Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 367 Décembre 2024 Mise en ligne le 20/12/2024

La collecte dans l’UE-27 a retrouvé un dynamisme important depuis septembre 2022 qui ne faiblit pas sur le début d’année 2023. La France ne s’inscrit pas dans la dynamique laitière que connaissent les pays d’Europe du Nord. Son prix du lait a augmenté, mais dans une bien moindre mesure qu’ailleurs dans l’UE.

Rebond de la collecte dans l’UE depuis septembre

La collecte laitière dans l’UE-27 a progressé sur les 4 derniers mois de l’année 2022, rattrapant son recul du printemps et de l’été. Les bonnes conditions météo de l’automne ont permis un retour des vaches dans les pâtures. Mais surtout, les très bons prix du lait dans l’UE ont contribué au dynamisme de la production sur la fin d’année. La collecte de l’UE-27 s’est ainsi établie aux alentours de 143,6 millions de tonnes en 2022. Elle se maintient à ce niveau depuis 2020 après avoir connu une croissance régulière. Cette stabilité cache de fortes disparités entre les pays membres.

En Europe du Nord, les prix élevés du lait ont stimulé la production. Les hausses de collecte ont été particulièrement appuyées en Autriche (+3% en 2022 /2021), en Belgique (+2,6%) ou encore en Pologne (+2,1%). Dans une moindre mesure, la collecte a aussi progressé aux Pays Bas (+1,2%) en Irlande (+0,7%) et au Danemark (+0,3%). En Irlande, la croissance de la collecte a été moins forte en 2022 que les années passées. L’envolée des coûts de production et les mauvaises conditions climatiques ont été préjudiciables à la production. Au Danemark, la croissance de la production est limitée par les contraintes environnementales imposées à l’élevage laitier. Ces derniers mois, la Belgique, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Pologne ont fortement contribué à la reprise de la collecte dans l’UE-27.

En Allemagne, la collecte n’a ainsi reculé que de -0,5% sur l’année 2022. Et le dynamisme de la collecte perdure encore sur le début d’année 2023.

En Espagne et en Italie, la sécheresse estivale et l’augmentation des coûts de production ont infléchi la production. Jusqu’alors la collecte dans ces pays était en progression. La collecte italienne recule de -1% sur l’année 2022. Le recul est plus sévère en Espagne où la collecte subit une chute de -2,1% /2021. La consommation de produits laitiers fléchit en Espagne depuis quelques années. Elle se caractérise par une consommation de laits conditionnés, de yaourts et de fromages mais peu de beurre. Avec la forte inflation qui touche le pays, la consommation alimentaire est très impactée.

Recul de la collecte en France

En France, la collecte laitière, qui s’est repliée en 2022 de -0,7% /2021, n’a pas connu le même dynamisme que dans les pays de l’Europe du Nord. Elle a reculé une grande partie de l’année. Dans le sillage d’autres pays de l’UE, elle a certes rebondi en septembre. Mais cette reprise fut de courte durée. Dès la mi-novembre, les livraisons ont de nouveau baissé d’une année sur l’autre. Et le début d’année 2023 affiche les mêmes tendances, d’après les enquêtes hebdomadaires de FranceAgriMer.

La production laitière est affectée par un recul très conséquent du cheptel de vaches laitières, qui s’est accéléré depuis septembre 2022 (dépassant les -2%). Au 1er janvier 2023, le recul est encore de -2,2% /2022. L’année 2022 a été marquée par la sécheresse et la canicule estivales qui ont altéré la production fourragère. En ce début d’année, les stocks fourragers sont au plus bas. Une bonne année climatique 2023 apparait vitale pour assurer la production et ne pas accroître la décapitalisation du cheptel.

Le nombre de livreurs de lait a poursuivi sa baisse en 2022. 44 180 livreurs étaient recensés fin 2022, soit une baisse de -4,8% /2021. La réduction du nombre de points de collecte n’a jamais été aussi forte. En 10 ans, la France a perdu 34% de ses livreurs. L’atelier laitier s’est développé au fil des années mais aujourd’hui bon nombre d’éleveurs arrivent à saturation de leurs outils (en surface, bâtiment, main d’œuvre).

Un prix du lait au plus haut en Europe

Le prix du lait de vache dans l’UE-27 s’est stabilisé à un haut niveau fin 2022. En décembre, le prix moyen a atteint 574 €/t, soit +162 € /2021. Tirés par une conjoncture favorable sur le marché des ingrédients laitiers (beurre et poudre), les prix du lait se sont envolés partout en Europe, mais avec des écarts importants selon les pays. En moyenne sur l’année 2022, le prix du lait européen a progressé de +133 €/t d’une année sur l’autre, d’après la DG Agriculture, et de +115 à +175 €/t selon les pays.

En France le prix du lait a progressé plus modérément en 2022. En décembre, le prix du lait standard a atteint 474 €/1 000 l. La progression est certes remarquable en un an (+95 € /2021), mais les écarts de prix se sont accrus au fil des mois avec la plupart des autres pays de l’UE. Le prix du lait conventionnel en France se situe encore 100 €/1 000 l sous celui en Irlande et 120 € sous celui en Allemagne (à composition équivalente).

La marge MILC en France a progressé en décembre 2022 pour atteindre 170 €/1 000 l. Elle s’est améliorée de +12 € d’un mois sur l’autre grâce à la hausse du produit lait et la stabilité des charges. Sur un an, la MILC s’est appréciée de +67 €/1 000 l. La hausse du produit lait (+104 €) et celle des autres produits (+17 €) compensent largement l’augmentation des charges (+54 €).

Le marché des ingrédients laitiers connait depuis quelques mois un profond retournement qui va dégrader le prix du lait payé aux éleveurs dans l’UE. Il devrait logiquement moins varier en France quand on sait qu’il n’a pas augmenté dans les mêmes proportions qu’ailleurs en Europe. Autrement dit la loi EGAlim aura-t-elle un effet cliquet qui permettrait de retarder puis d’atténuer la baisse du prix du lait ?