Le marché des poudres est actuellement chahuté. La demande en poudres grasses s’effondre en lien avec la moindre demande chinoise. En poudre maigre, les fabrications baissent fortement dans l’hémisphère Nord ce qui conduit à un repli des exportations. Enfin, les Etats-Unis font face à une crise sur la poudre de lait infantile.
Poudre de lait écrémé : baisse des exportations de l’hémisphère Nord
Aux États-Unis, les fabrications de poudre maigre ont baissé au 1er trimestre de plus de -13% /2021 (soit environ -44 000 t). La moitié de cette baisse s’est répercutée sur les exportations (-18 000 t, soit -8% /2021) notamment vers le Mexique, l’Indonésie, le Vietnam et le Maghreb et ce malgré une plus forte demande de l’Asie comme la Chine et les Philippines. La demande intérieure reflue également (de -31 000 t par l’USDA soit -30% /2021), ce qui entraine une baisse des stocks de -9%.
Dans l’UE-27, les fabrication sur la période janv-mars,ont baissé de -5% /2021, soit près de -20 000 t notamment liée à une forte baisse chez les principaux pays producteurs (-5,5% en France et -14% en Allemagne). Comme pour les Etats-Unis, la production de lait est inférieure tandis que le mix-produit va davantage vers les fromages.
Les exportations européennes de poudre maigre ont en conséquence baissé (environ -50 000 t, soit -22% sur janv-mars /2021) notamment vers la Chine (-32%), vers l’Indonésie (-12%), ou en encore l’Algérie (-41%).
Le gaz est très majoritairement utilisé pour le séchage du lait et la transformation en poudre. Les tensions avec la Russie et la très forte augmentation des prix du gaz renchérissent fortement les coûts de fabrication des poudres actuellement. De plus, fin avril, le géant gazier russe Gazprom a décidé de couper la livraison de gaz à la Pologne et la Bulgarie. La Pologne, quatrième producteur de poudre maigre en 2021 de l’UE, derrière la France, l’Allemagne et la Belgique, va donc devoir arbitrer et probablement modifier son mix produit dans les mois à venir.
Il est donc à prévoir de plus amples baisses de fabrications en Europe et donc une moindre présence sur le marché international.
En Nouvelle-Zélande, à l’inverse des fabrications privilégiées à la suite du ralentissement de la demande chinoise. la collecte laitière est en repli depuis plusieurs mois tandis que la hausse du nombre de cas covid-19 au sein des laiteries perturbe la transformation. Les fabrications de poudre de lait entier ont donc pu être privilégiées dans un premier temps. Toutefois, ce produit, exporté pour près de moitié des volumes vers la Chine, est donc particulièrement dépendant de ce débouché. Les exportations néo-zélandaises se replient fortement (-90 000 t soit -19% sur janv-mars /2021), en premier lieu vers la Chine (-58 000 t, soit -30% sur la même période).
Le confinement strict de plusieurs grandes villes chinoises et les difficultés logistiques, notamment dans le port de Shanghai, ont réduit la demande notamment lors des enchères du Global Dairy Trade. Les prix des poudres grasses ont donc chuté ces dernières semaines sur la plateforme d’enchères physiques au point de passer sous les prix de la poudre maigre.
Il est donc fort probable qu’une partie des fabrications soit donc réorientée vers le beurre et la poudre maigre surtout dans un contexte de forte demande internationale, Chine exclue. Les exportations néo-zélandaises de poudre maigre sont haussières (+10 000 t sur janv-mars /2021, à 100 000 t ). Les envois sont en très forte progression vers l’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie ou encore les Philippines, raflant ainsi des parts de marché aux États-Unis et à l’Europe.
Poudres de laits infantiles : Pénurie et début de scandale aux États-Unis
Le marché des poudres de laits infantiles en poudre aux États-Unis est particulièrement concentré. En 2018, il était détenu à 89% par quatre entreprises selon David Dayen : Abbott (Similac), Reckitt Benckiser (Enfamil), Nestlé (Gerber), et Perrigo (store-brands).
A la suite du décès de deux bébés, l’usine Abbott Nutrition à Sturgis, située dans le Michigan, a été fermée et a dû rappeler le 17 février dernier l’ensemble de ces produits. Cette usine, qui produit environ 20% des poudres de laits infantiles du pays dont des spécialités « médicales » produites par aucune autre marque, a été autorisée à reprendre ses activités lundi 16 mai.
Cette fermeture a entrainé une chute des disponibilités, ce qui a accentué des problèmes notamment logistiques et de mains d’œuvre déjà existants auparavant liés à la crise sanitaire. Aussi, selon Datasembly, le taux de rupture de stock pour ces produits aurait dépassé les 40% depuis la fin du mois d’avril à l’échelle du pays et plus de 50% dans certains États (Iowa, South Dakota, North Dakota, Missouri, Texas, Tennessee).
Pourcentage de rupture de stocks de poudre de lait infantile selon Datasembly.
Le manque de marchandise dans les rayons rend les parents nerveux. Pris de panique, ils font des achats de précaution qui accentuent encore la pénurie. La situation est encore pire pour les laits infantiles spécialisés.
La crise sanitaire est devenue politique, car lors des confinements l’autorité sanitaire FDA a limité ses visites de contrôle et n’aurait pas réagi assez vite selon l’opposition républicaine.
Les importations de poudres de laits infantiles devraient augmenter dans les mois à venir et l’administration cherche à réduire les contraintes administratives très strictes imposées aux poudres importées. Abbott a même annoncé des importations par avion depuis son usine située en Irlande, mais les volumes acheminés sont encore insuffisants. Le 18 mai, Joe Biden a confié au ministère de la Défense la mission d’organiser un pont aérien, opération appelée « Fly Formula ».
Ces exportations vers les Etats-Unis permettront à l’Irlande à court terme de compenser en partie la chute des expéditions vers la Chine (-12% sur janv-fev /2021, après -38% entre 2020 et 2021).