Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 361 Mai 2024

Viande ovine

La baisse de la demande chinoise réoriente les flux néozélandais vers l’Europe

On observe depuis le début d’année une baisse de la demande chinoise qui se traduit par une réorientation des flux de l’Asie vers l’Europe. Alors que l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande est fraîchement entré en vigueur le 1er mai 2024, les professionnels de la filière s’inquiètent des potentiels effets d’un afflux de viande compétitive sur les prix français.

Viande ovine » France »

La pénurie d’agneaux fait grimper les cours

Après avoir atteint un nouveau record pour la Pâques catholique, le cours de l’agneau français a poursuivi sa hausse au lieu de baisser de façon traditionnelle sous l’effet d’un repli saisonnier de la demande, ce qui illustre encore davantage le manque d’agneaux en France.

Le cours s’envole au lieu d’entamer sa traditionnelle baisse après Pâques

En semaine 18 de 2024 (se terminant le 5 mai), la cotation atteignait 9,69 €/kg soit +1,22 €/kg comparée à la même semaine en 2023 et +1,62 €/kg comparé à celle de 2022.
L’offre modeste, entre sorties françaises et importations de vifs en recul, mène à ce niveau de prix entrée abattoir. Le marché et les prix devraient rester sous tension au moins jusqu’en juin, avec un possible relâchement en juillet-août.

Très dépendant de l’indice des prix des carburants, l’IPAMPA ovin viande a poursuivi sa légère baisse amorcée fin 2022 et était en recul d’un mois sur l’autre en mars 2024. À 131,0, il est en repli de -5% /2023. L’indice énergie et lubrifiants diminuait de -2%/ février 2024 et de – 1% d’une année sur l’autre tandis que l’indice engrais était en repli de -1% d’un mois sur l’autre et de -25%/2023. L’indice aliments achetés reculait quant à lui de -1% d’un mois sur l’autre et de -13% /2023. Malgré ces améliorations, ils restent à des niveaux historiquement élevés.

Abattages en légère hausse au 1er trimestre

Selon Agreste, la production abattue de viande ovine était en hausse de +1% d’une année sur l’autre sur les trois premiers mois de 2024, mais en baisse de -3% comparé à la moyenne des cinq dernières années (2019-2023). Les abattages de réformes ont baissé de -14% en têtes et en volumes, avec un poids moyen de carcasse à 26,4 kgéc (contre 26,2 kgéc au 1er trimestre 2023). Ceux des agneaux ont augmenté, de +5% en effectifs et +4% en volume, signe d’une baisse des poids moyens de carcasse (de 18,3 à 18,0 kgéc).
La production française se replie et maintient le marché sous tension. Les abatteurs sont en forte concurrence pour acquérir des agneaux.

Des erreurs dans les données douanières ne nous permettent pas d’apprécier de manière chiffrée l’évolution des importations d’agneaux vivants espagnols en ce début d’année 2024.

Les importations de viande ovine reculent d’une année sur l’autre en mars 2024

Au 1er trimestre 2024, les importations françaises de viande ovine étaient en recul de -1% d’une année sur l’autre, à 20 700 téc : la hausse de février (+5% /2023) a été contrebalancée par les baisses de janvier et mars. Sur la période, les importations en provenance de Nouvelle-Zélande et d’Espagne progressaient toutes deux de +20% /2023. Elles reculaient d’Irlande (-9%) et du Royaume-Uni (-1%).
En mars 2024, les achats de viande espagnole, en net repli jusque-là, se sont nettement redressés (+57% /2023) et ceux de viande néozélandaise ont poursuivi sur leur tendance dynamique (+26%), avec un effet probable du décalage des dates de Pâques et du Ramadan. Ces flux reculaient par ailleurs en provenance du Royaume-Uni (-17%), stoppant une longue phase de progression. Les achats origine Irlande ont poursuivi leur baisse (-6%).

Le disponible du 1er trimestre 2024 se maintient d’une année sur l’autre

Au 1er trimestre 2024, les abattages français sont en repli d’une année sur l’autre, les importations de viande ovine baissent légèrement tandis que les exportations reculent franchement. Au final, le disponible français est stable comparé à 2023 sur la période. En revanche, il demeure modeste, -6% sous la moyenne 2015-2019.

Viande ovine » UE et monde »

Le cours britannique reste élevé malgré l’afflux de viande océanienne

Alors même que les importations ont plus que doublé en provenance de Nouvelle-Zélande et d’Australie entre le 1er trimestre 2023 et 2024, le cours britannique reste particulièrement élevé. Il dépassait même les 10 €/kg entrée abattoir fin avril, seuil encore jamais atteint par l’agneau français.

Royaume-Uni : la cotation entame sa baisse mais reste élevée

Le cours de l’agneau britannique a entamé sa baisse saisonnière : en semaine 18, il se situait à 9,65 €/kg, soit +1,96 €/kg comparé à 2023 et +2,51 €/kg /2022.

La production britannique de viande ovine a totalisé 68 000 téc sur les trois premiers mois de 2024, en baisse de -5% d’une année sur l’autre. Cela s’explique par un repli de -16% des abattages de réformes (-68 000 têtes) et de -5% des abattages d’agneaux (soit -140 000 têtes). Comparée à la moyenne 2015-2019, elle recule de -1%. Malgré une fête de Pâques un mois plus tôt cette année, les abattages de mars reculent nettement d’une année sur l’autre (-16% en volume).

Les importations de viande ovine ont par ailleurs continué de croître d’une année sur l’autre, illustrant toujours la mise en place des accords commerciaux avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie (printemps 2023). Elles ont ainsi progressé de +51% /2023 sur 3 mois en 2024, doublant en provenance de Nouvelle-Zélande et d’Australie mais reculant de -15% d’Irlande.

Malgré une production et des importations dynamiques, les exportations britanniques de viande ovine ont reculé de -4% sur 3 mois en 2024 /2023. Elles ont progressé de +13% vers la France mais se sont repliées de -8% vers l’Allemagne. Elles dépassaient ainsi de +1% leur niveau d’avant Brexit et pandémie de Covid-19 (moyenne 2015-2019).

En plus d’une bonne demande à l’export, des évolutions positives de ventes d’agneau au détail ont été enregistrées ces derniers mois au Royaume-Uni, aidées par une période de forte activité du fait des fêtes religieuses.

Irlande : baisse de l’offre et des exportations

En semaine 18 de 2024, la cotation du Hogget irlandais s’établissait à 9,35 €/kg et celle de l’agneau de nouvelle saison était à 9,55 €/kg la même semaine, soit +1,55 € /2023. Comme au Royaume-Uni, le manque d’offre face à une demande dynamique explique ce niveau de prix, en plus des cotations élevées chez les principaux clients de l’Irlande (France, Royaume-Uni, …).

Après avoir fléchi de -1% /2022 en 2023, les abattages d’ovins irlandais ont perdu -2% /2023 sur les trois premiers mois de 2024. Les effectifs d’agneaux abattus ont augmenté, de +5% /2023 et ceux des réformes ont par ailleurs reculé de -8%. La production de viande ovine en volume a perdu -2%, à 16 700 téc, mais cela reste un niveau soutenu, en hausse de +10% comparé à la moyenne des cinq dernières années sur 3 mois cumulés.

Les exportations de viande ovine irlandaise se sont repliées en février 2024, de -20% / 2023, après un mois de janvier stable d’une année sur l’autre. Sur deux mois 2024, la baisse était de -7% à 8 100 téc dont -7% vers la France mais +11% vers le Royaume-Uni. La concurrence de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, mais aussi du Royaume-Uni, sur le marché européen, explique probablement cette baisse des envois irlandais. Les industriels stockent possiblement la viande ovine qu’ils ne parviennent pas à écouler.

Espagne : l’offre reste en repli

Le cours de l’agneau espagnol oscille autour des 8 €/kg depuis plusieurs semaines, après avoir légèrement diminué en début d’année. En semaine 18, il s’établissait à 8,18 €/kg, soit + 0,78 €/kg, au-dessus de son niveau de 2023. Ce cours élevé illustre une offre toujours en repli.

Après une baisse de -11% entre 2022 et 2023, la production de viande ovine espagnole a poursuivi sa diminution début 2024 : sur 2 mois, à 13 000 téc, elle reculait de -16% /2023. Le nombre d’agneaux abattus baissait de -11% et celui des réformes de -28%.

Avec un disponible nettement diminué, la tendance baissière des exports de viande ovine comme de vifs se poursuit début 2024. Sur les deux premiers mois de 2024, les exportations espagnoles de viande ovine reculaient en effet de – 21% /2023, à 5 100 téc, principalement du fait d’un arrêt des envois vers Oman et d’une forte baisse vers les Emirats Arabe Unis (-84%) et la France (-14%).

Sur la même période, les envois d’agneaux vivants ont nettement chuté, de -24% /2023 à 121 000 têtes, principalement via des fortes baisses vers le Portugal (-19 000 agneaux), la Jordanie (-14 000), la Hongrie (-13 000) et la Libye (-9 000). Parallèlement, les envois de réformes ont plus que doublé, atteignant 21 000 têtes.

Nouvelle-Zélande : baisse de la demande chinoise

Après avoir augmenté de +1% entre 2022 et 2023, la production ovine abattue en Nouvelle-Zélande a augmenté de +3% d’une année sur l’autre, à 147 000 t sur les trois premiers mois de 2024. Le nombre d’agneaux abattus a augmenté de +10%, à 6 M de têtes, tandis que celui des réformes a reculé de -21% à 1 M de têtes.

La hausse des exportations de viande ovine est importante : +4% /2023, à 131 000 téc. Au 1er trimestre 2024, la demande chinoise en agneau néozélandais recule (-18%), la Nouvelle-Zélande subissant la compétitivité de l’Australie sur ce marché. Cette dernière a donc réorienté ses envois, notamment vers le Royaume-Uni (+54%) et l’Amérique du Nord (+40% vers les USA, +35% vers le Canada et x5 vers le Mexique).

L’accord de libre-échange UE-NZ est entré en vigueur le 1er mai 2024 et prévoit l’ajout de 38 000 t de viande ovine à droits nuls au contingent de 1994, qui a lui-même été dispatché entre le Royaume-Uni et l’UE-27 après le Brexit. En tout, ce sont donc 126 000 t + 38 000 t soit 164 000 tonnes en provenance de Nouvelle-Zélande qui peuvent accéder sans droits de douanes au marché de l’UE.