Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 350 Mai 2023 Mise en ligne le 23/05/2023
Viande ovine
Commerce (trop) calme après les fêtes religieuses
Le Ramadan puis Pâques passés, les ventes de viande d’agneau ont de nouveau fléchi, alourdissant les marchés et pesant sur les cotations des agneaux lourds en France, en Irlande et au Royaume-Uni. La forte demande du Moyen-Orient soutient en revanche le prix de l’agneau lourd espagnol. En Nouvelle-Zélande, le prix reste à l’inverse à de bas niveaux depuis le début de l’année.
Après Pâques, le relatif équilibre entre une offre réduite et une demande faible a stabilisé le cours de l’agneau français durant deux semaines. Ensuite, la diminution saisonnière de la consommation – accentuée cette année – a enclenché la traditionnelle baisse de la cotation.
La cotation entame sa traditionnelle baisse avec quelques semaines de retard
En semaine 19 de 2023 (se terminant le 14 mai), la cotation atteignait 8,29 €/kg, en baisse de 8 centimes d’une semaine sur l’autre. La consommation recule de façon saisonnière, ce qui pèse sur marché et fait automatiquement baisser le cours. Elle s’établissait tout de même +0,21 €/kg au-dessus de son niveau de l’an passé à la même semaine et +0,87 €/kg au-dessus de celle de 2021.
Depuis le début de l’année, la baisse des abattages permet d’équilibrer le marché, face à une demande particulièrement atone. L’IPAMPA ovin viande restait élevé en mars 2023, à l’indice 137,2, soit 5 points au-dessus de son niveau (déjà élevé) de mars 2022. Les indices énergie et lubrifiants (-19% /2022), mais aussi engrais (-12%) reculent par rapport à aux niveaux historiquement élevés en 2022. L’indice aliments achetés est toujours plus élevé (+13% /mars 2022).
Des abattages toujours faibles après Pâques
Selon Agreste, les abattages d’ovins ont atteint 19 000 téc au 1er trimestre, en baisse de -5% /2022. La hausse des réformes (+5% /2022, à 114 000 têtes) n’a que marginalement contrebalancé l’allègement de leurs carcasses (-1,1 kgéc) et le net repli des abattages d’agneaux (- 5%, à 861 000 têtes). Le décalage des dates de Pâques (une semaine tôt en 2023 qu’en 2022) explique la hausse des abattages de mars. En avril, ils auraient de nouveau reculé selon Ovinfos. De plus la forte sécheresse de 2022 et la flambée des prix des intrants ont relancé la décapitalisation ovine, ce qui fait reculer le disponible en agneaux pour 2023.
Face à des achats des ménages toujours très modérés, les importations d’agneaux vivants ont de nouveau en baissé en février (-18% /2022, soit -1 400 têtes), tandis que les envois d’agneaux ont dans le même temps progressé (+23% /2022, soit + 6 500 têtes).
Importations dynamiques de viande ovine britannique
Sur les deux premiers mois de 2023, les importations françaises de viande ovine étaient en légère hausse d’une année sur l’autre (+1% à 11 000 téc) : le sursaut en février (+6% /2022) ayant plus que compensé la baisse de janvier (-2% / 2022). Cependant, Elles sont relativement faibles, en recul de -13%, en comparaison de la moyenne 2015-2019 (avant la pandémie de covid-19). Sur la même période, les imports ont progressé en provenance du Royaume-Uni (+8% /2022), d’Irlande (+3%), mais ont nettement fléchi en provenance de Nouvelle Zélande (-15% /2022) et d’Espagne (-13%).
Le disponible français se contracte encore
Sur les deux premiers mois de 2023, avec des abattages français en net retrait et des importations de viande ovine qui ont ralenti leur croissance, le disponible français a fléchi, de -5% /2022, et de -9% par rapport à la dernière moyenne quinquennale.
Viande ovine » UE et monde »
Un marché mondial très dépendant des festivités religieuses
Les éleveurs des pays exportateurs subissent de plein fouet la baisse de consommation des ménages dont le pouvoir d’achat est rogné par l’inflation. En Europe, les festivités religieuses ont fait grimper les prix, mais ceux-ci devraient rapidement décroître une fois ces évènements passés. L’Aïd el-Kébir, qui débute le 28 juin, est attendu avec impatience pour redynamiser la consommation.
Royaume-Uni : les cours surpassent leur niveau de 2022
En semaine 19, le cours britannique se situait à 7,67 €/kg, en hausse de 57 centimes d’une année sur l’autre, mais en recul de 2 centimes comparé à 2021. Après avoir été raffermie par les festivités religieuses, la demande se replie progressivement. Toutefois la baisse saisonnière de la production britannique évite un encombrement du marché, ce qui soutient le cours de l’agneau.
La production britannique de viande ovine, à 72 000 t au 1er trimestre 2023, a cru de +8% d’une année sur l’autre : les effectifs d’agneaux abattus ont bondi (+13% /2022), tout comme ceux des réformes, (+7%). Cette hausse des abattages est due à des reports plus élevés d’agneaux de 2022 sur 2023, en lien avec la sécheresse de 2022 et le coût élevé des aliments. En mars, malgré une production en nette hausse, les prix ont été soutenus par une bonne demande due aux fêtes religieuses. Avant cela, les agneaux s’accumulaient dans les fermes britanniques. Dans ce contexte difficile, certains distributeurs britanniques semblent privilégier la mise en avant de l’agneau britannique… tandis que d’autres ne jouent pas le jeu et stockent tout de même de la viande néozélandaise, ce qui créé des tensions. Les exportations britanniques de viande ovine ont bondi de +25% /2022 au 1er trimestre 2023, dont +22% vers la France. Les importations ont en revanche chuté de -32% /2022 tous fournisseurs, dont – 29% en provenance de Nouvelle-Zélande et – 30% d’Irlande.
Irlande : le cours de l’agneau reste sous son niveau de 2022
Après avoir rejoint leurs niveaux de 2022, grâce à une reprise de la demande en lien avec les fêtes religieuses, les cotations des Hoggets comme des agneaux de nouvelle saison sont reparties à la baisse. Elles se sont toutefois redressées en semaine 19 à l’image du cours britannique, 2ème client de l’Irlande après la France. La baisse des sorties d’agneaux de la nouvelle saison, comparé à 2022 (Irish Farmer Journal), consécutifs à des agnelages précoces de plus en plus rares, participe aussi à alléger le marché irlandais et faire croître la cotation. La cotation de l’agneau de nouvelle saison a baissé après Pâques puis s’est stabilisée en semaine 18. Ensuite, à 8,15 €/kg en semaine 19, elle est repartie à la hausse : elle a regagné +15 centimes d’une semaine sur l’autre, se situant encore 15 centimes en-deçà de son niveau de 2022.
Sur les 4 premiers mois de 2023, les abattages d’ovins ont progressé de +4% /2022, à 930 000 têtes. On constate une hausse des abattages d’agneaux de +3% /2022 à 840 000 têtes (et +14%/2020), et de +6% /2022 pour les réformes. En avril, les abattages d’ovins irlandais ont en revanche reculé de -2% / 2022, mais attention au décalage des dates de Pâques : une semaine plus tôt en 2023 qu’en 2022 (davantage d’abattages en mars que l’an passé, moins en avril). Avec une production réduite (-3% /2022 en têtes), les exportations de viande ovine irlandaise ont nettement régressé en février 2023, de -11% /2022 à 4 200 téc, notamment vers la France (-13%) et le Royaume-Uni (-25%). Sur deux mois, le recul est bien moindre (-3% /2022), suite au bon résultat de janvier.
Espagne : la cotation de l’agneau lourd toujours haussière
Le cours espagnol continue de croître, signe d’une demande ferme. En semaine 18, il s’établissait à 7,40 €/kg, soit +0,66 € /2022 et +1,14 € /2021. Le repli de la production espagnole, la hausse des exportations de viande ovine ainsi que la forte demande en vifs à l’export soutiennent le cours espagnol.
Sur les deux premiers mois de 2023, la production abattue a en effet reculé, de -7% /2022. Le repli des effectifs d’agneaux (-4%) et de réformes (-7%) abattus a été accentué par un allègement des poids des carcasses : les tonnages de viande d’agneaux abattus ont baissé de -6% et ceux de réformes de -9%. Le prix élevé des intrants, dont celui des agneaux maigres, plus rares cette année, est vraiment problématique pour les engraisseurs. Les exportations d’agneaux vivants espagnols ont chuté de -26% /2022 sur les deux premiers mois de 2023, notamment vers la Jordanie (-29%), destination dont les envois espagnols avaient atteint en record en février 2022 (108 000 têtes). Les envois de réformes ont un peu moins reculé de -22% /2022. Les exportations de viande ovine ont quant à elles bondi sur les deux premiers mois de 2023 (+14% /2022), en grande partie du fait d’un fort regain vers l’Allemagne (de 200 à 450 téc). Les exportations vers la France ont gagné +2% /2022 sur la même période. Attention toutefois, 2022 n’a pas été une année propice aux exportations de viande ovine espagnole. Comme chaque année, à Madrid, Barcelone et Valences, a lieu la « Ruta de El Paquito » dans des centaines de restaurants espagnols, avec comme star, le sandwich à l’agneau. Le but est de promouvoir cette viande, notamment auprès du jeune public. L’Espagne a besoin de relancer cette consommation afin de stopper la déprise rurale en cours.
Nouvelle-Zélande : des conditions météorologiques difficiles et disparates
Après deux mois de recul, la production de viande ovine en Nouvelle-Zélande s’est redressée en mars, de +16% d’une année sur l’autre, à 51 000 t : les effectifs d’agneaux abattus ont bondi +13%, à 2,2 M de têtes, et ceux des réformes +26%, à 393 000 têtes. En cumul au 1er trimestre, la production de viande ovine néozélandaise a ainsi progressé de +1% /2022, avec moins d’agneaux abattus (-3% /2022), mais davantage de réformes (+5%). Au 1er trimestre 2023, les exportations de viande ovine ont progressé, de +6% /2022, à 128 000 téc. Elles ont notamment rebondi vers la Chine (+23%), la Belgique (x2) et les Pays-Bas (+50%), mais ont fortement baissé vers le Royaume-Uni (-33%), la France (-14%) et l’Allemagne (-11%). Concernant les exportations de vifs, le tout dernier bateau est parti de Nouvelle-Zélande le 21 avril 2023 marquant l’arrêt définitif de ce commerce.
La situation s’avère compliquée pour de nombreux éleveurs néozélandais cette année : près d’un tiers des ovins se trouvent dans les régions de l’île du Nord qui ont été soumises à un état d’urgence à la suite du cyclone Gabriel tandis que d’autres éleveurs, situés dans certaines parties de l’île du Sud, subissent une sécheresse extrême…. Cela vient s’ajouter au coût élevé des intrants et aux incertitudes accrues du marché mondial de la viande ovine.