Viande ovine
Effets du covid-19 sur la filière ovine
En France et au Royaume-Uni, la situation reste inhabituelle : les cours ont rebondi après Pâques. Début mai, la cotation des agneaux irlandais a en revanche chuté, illustrant un engorgement du marché. En Espagne, d’importants envois de vifs vers les pays arabes, pour le Ramadan, soulagent ponctuellement les éleveurs. En Océanie, tandis que la cotation australienne continue de s’apprécier malgré un impact certain du Covid-19 sur les exports, le cours néozélandais poursuit sa chute. [Rédigé le 7 mai et mis à jour le 14 mai]
France : la cotation semble entamer une baisse
En semaine 17 (se terminant le 26 avril), l’offre limitée fait progresser le PMP de l’agneau français, à 6,37 €/kg soit + 7 centimes d’une semaine sur l’autre. La situation est toujours très inhabituelle : le moindre recours aux viandes importées pour mettre en avant l’agneau français a, semble-t-il, provoqué une chute des disponibilités supérieure à la baisse de la demande. En outre, la production nationale d’agneaux est estimée en baisse cette année. En semaine 18, l’offre est restée limitée et la préférence nationale est toujours en vigueur chez la plupart des détaillants : la cotation, qui a gagné 13 centimes en une semaine, a rejoint son niveau de l’an passé. En semaine 19 (se terminant le 10 mai), les cours ont dans l’ensemble été reconduits, le marché étant équilibré, selon les chargés de cotation de FranceAgriMer. A 6,47 €/kg la cotation nationale n’a cédé que deux centimes d’une semaine sur l’autre.
Selon les détaillants, les achats des semaines 16 et 17 auraient été en-deçà des attentes, particulièrement chez les bouchers en distribution, où les clients auraient privilégié le porc et la volaille. La météo pluvieuse sur la moitié sud de la France a limité les achats de grillades.
Pour les abatteurs, ces deux semaines ont été correctes bien qu’ils aient fait face à quelques difficultés pour fournir leurs clients en agneaux français. En effet, les distributeurs, qui n’avaient jusque-là pas repris les importations pour continuer de vendre de l’agneau français, auraient eu des difficultés à satisfaire la demande des consommateurs. Aussi désormais ils complèteraient leur offre française avec de l’import actuellement assez compétitif.
Contrairement aux craintes, il n’y aurait pour le moment plus de reports d’une semaine sur l’autre en bergerie. On s’attendait à ce que certains agneaux surnuméraires sortent après Pâques (retenus en fermes pour ne pas alourdir le marché), mais ça ne semble pas être le cas. Les agneaux d’herbe ne seraient pas encore sortis mais sont attendus de pied ferme.
Selon les données d’Interbev (Ovinfos : échantillon = plus de 80% des notifications entrée abattoir en France), les abattages de la semaine 17 furent meilleurs que ceux de la semaine 16. Ils sont en hausse, de respectivement +4% et +10%, par rapport aux semaines S+1 et S+2 après Pâques en 2019 : les deux premières semaines du Ramadan animent quelque peu le commerce malgré le confinement. Les abattages de cet échantillon en semaine 18 sont en baisse par rapport à la semaine 18 de 2019 (aussi une semaine de 4 jours), illustrant une offre française en recul. En semaine 19, la tendance reste baissière (-15% /S19 de 2019). Cette baisse des abattages serait consécutive à des achats en viande moroses début mai, pour toutes les espèces.
Les achats d’agneaux espagnols perdureraient (5 000 agneaux importés très récemment), mais pas de quoi déstabiliser le marché.
Espagne : situation compliquée pour le secteur des petits ruminants
Selon la DG Trésor, à ce jour, les secteurs agricole et agroalimentaire espagnols maintiennent dans leur ensemble leurs activités. Les prix de vente aux consommateurs sont globalement stables, mais les effets de la crise sont très hétérogènes selon les filières. En ovin viande, suite à la fermeture de la RHD (canal de distribution primordial pour la filière), l’Espagne fait face à d’importants stocks de viande en frigo et sur pied en élevage.
Les expéditions de bétail vivant, principalement vers les pays du pourtour méditerranéen, sont jugées essentielles, selon le journal El País. Seuls ces pays sont preneurs d’ovins alourdis faute d’avoir été commercialisés normalement.
L’analyse de la consommation alimentaire du ministère espagnol de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation, en semaine 18 de 2020 (du 27 avril au 3 mai), fait état d’une forte augmentation des achats de viande (+29% /2019), particulièrement de viande ovine (+65%). Alors qu’ils étaient plutôt en recul avant Pâques, les achats de viande ovine ont augmenté progressivement à partir de la semaine 16.
Certaines catégories de produits, dont la viande ovine, consommés auparavant surtout au restaurant, sont depuis davantage consommés à domicile, sans toutefois que les volumes supplémentaires ne compensent la chute en RHD.
Les productions sous signes de qualité, comme l’agneau Ternasco de Aragón, souffrent davantage que la viande standard. La baisse de revenu de nombreux Espagnols depuis la crise sanitaire ne joue pas en leur faveur.
Toutefois, la réouverture progressive de bars et restaurants dans une partie du pays, le 12 mai, va permettre une reprise bien que partielle de ce débouché important pour la filière ovine espagnole, et notamment pour ces filières haut de gamme.
Royaume-Uni : la distribution n’a pas compensé la perte de la RHD
Selon AHDB, les ventes supplémentaires de viande rouge aux ménages sont loin de compenser la chute d’activité avec la RHD. Au Royaume-Uni, malgré des ventes au détail plus élevées, la demande globale en viande rouge, dont la viande ovine, est désormais inférieure à ce qu’elle était avant le confinement lié au coronavirus. L’assouplissement du confinement pourrait entraîner une augmentation des ventes d’agneaux, mais le Royaume-Uni continue de faire face à une augmentation des cas de Covid-19.
En semaine 17, le prix de la carcasse est toujours en hausse, après avoir chuté pour Pâques. Bien que les agneaux de la nouvelle saison aient commencé à entrer sur le marché, un nombre réduit de ventes aux enchères et des déficits de la demande n’ont pas réussi à améliorer sensiblement l’approvisionnement britannique, expliquant potentiellement ce soutien de la cotation. En semaine 18, la tendance est inchangée. La cotation britannique poursuit sa hausse, de +12 centimes d’une semaine sur l’autre. En semaine 19, selon AHDB, les évolutions de prix des ovins vifs et des carcasses auraient divergé : stabilité voire légère baisse en vif, tandis que la hausse du prix au kilo de carcasse a continué de croître. La baisse des abattages en S19, malgré une demande en berne début mai (RHD toujours fermée et manque de commandes à l’export avéré), explique ce soutien du prix de la carcasse d’agneau.
Selon Farming UK, l’épidémie de Covid-19 a aussi perturbé les exportations, ce qui a contribué à une baisse des prix des ovins. Les usines de transformation n’ont pas fermé, bien que beaucoup aient ralenti la cadence, selon Stuart Ashworth, directeur des services économiques chez Quality Meat Scotland (QMS).
Irlande : après une hausse post-Pâques, les cours s’effondrent début mai
Selon l’Irish Farmer Journal, le commerce se stabilise début mai, comme la demande des abattoirs.
Les acheteurs ont été relativement actifs au cours du week-end de la semaine 18 pour sécuriser les achats d’agneaux de printemps dans le but de compenser la baisse des disponibilités en hoggets, « agneaux » de plus d’un an. Le commerce des ovins démarre la semaine 19 de manière stable, après la forte baisse des prix enregistrée la semaine précédente. Il ne semble pas que la hausse des cours reprenne de sitôt : selon les transformateurs l’offre reste abondante, surtout en agneaux de printemps, mais c’est la demande qui pose problème. Le Covid-19 continue de rendre les conditions de marché difficiles. Le Ramadan ne semble pas avoir tiré suffisamment les achats à l’export.
Sur 18 semaines, les effectifs d’ovins abattus ont été supérieurs de 58 000 têtes d’une année sur l’autre, ce qui a davantage pesé sur le marché et fait baisser la cotation. L’Irlande pourrait éventuellement bénéficier de la mise à disposition par l’Union européenne d’aides au stockage privé (APS) pour la viande ovine prochainement.
En Irlande, des clusters associés à des usines de transformation de viande ou de désossage ont été identifiées fin avril, selon le Ministre de l’Agriculture irlandais. La société Dawn Meats a stoppé l’activité sur l’un de ses sites, après que quelques travailleurs aient été testés positifs. Toutefois, l’activité a été globalement maintenue dans les secteurs de la viande porcine, de l’agneau et de la volaille au cours des dernières semaines. Selon Joe Burke (Bord Bia), depuis le Covid-19, le secteur ovin irlandais a en effet réussi à éviter la chute spectaculaire de la demande qui caractérisait les autres viandes rouges. Cela est dû en grande partie à la frénésie des stocks des consommateurs au début de la crise, suivis par un commerce de Pâques dynamique et le début du Ramadan fin avril. Ces évènements ont, de plus, coïncidé avec les faibles disponibilités saisonnières en Irlande et au Royaume-Uni, ce qui a permis à l’offre de se rapprocher plus facilement de la demande.
Nouvelle-Zélande : la chute des cours se poursuit
Les prix de l’agneau de Nouvelle-Zélande devraient toutefois trouver un soutien à mesure que l’offre se resserre et que la forte demande chinoise commence à se reconsolider.
Les abattages ont été ralentis par des problèmes de logistique liés au Covid-19 dès le mois de mars (-7% / 2019), d’une ampleur accentuée en avril, selon Beef and Lamb New Zealand.
AgriHQ signale d’ailleurs que les coûts de transformation élevés et l’incertitude de la demande sur les marchés d’exportation de grande valeur expliqueraient la baisse de la cotation néozélandaise. Les conditions météorologiques, sèches, et les niveaux saisonniers élevés de l’offre ont complété la baisse des prix. La Chine commence à montrer des signes de reprise ; cependant, comme pour les exportateurs australiens, la fermeture de la restauration hors-domicile sur ces principaux marchés (États-Unis, Royaume-Uni et UE-27) reste un défi.
En avril, les envois néozélandais ont chuté de 22% : -8% vers la Chine, -35% vers le Royaume-Uni, -22% vers les États-Unis et -47% vers l’Union européenne. Bien que la Nouvelle-Zélande réduise régulièrement ses envois vers l’Europe au profit de la Chine, la baisse des expéditions est largement accentuée par la fermeture du secteur de la RHD chez ses principaux pays clients européens, en raison du Covid-19.
Fin avril/début mai, les conditions de confinement se sont assouplies en Nouvelle-Zélande, ce qui devrait aider à relancer la consommation intérieure. En règle générale, les prix de l’agneau de Nouvelle-Zélande atteignent leur plus bas niveau à cette période de l’année.
Australie: probable chute de la production en vue d’une reconstitution du cheptel ovin
Selon Meat and Livestock Australia (MLA), les pluies récentes ont poussé de nombreux éleveurs australiens à débuter la reconstitution de leur cheptel ovin, tombé à un niveau historiquement bas. La réduction des abattages depuis le début de l’année reflète cette décision générale, maintenant que la saison est terminée.
Au cours du 1er trimestre 2020, les exportations de viande ovine sont restées stables, malgré l’incertitude causée par la pandémie de Covid-19, selon le MLA. La Chine offre un certain soutien, tandis que la fermeture de la restauration sur d’autres marchés clés comme les États-Unis a réduit la demande en viande ovine australienne. Cela affecte en premier lieu les découpes à plus haute valeur vendues à la restauration commerciale aux États-Unis. Les envois de viande d’agneau australiens ont sensiblement baissé en mars, de -5% /2019, subissant ainsi les premiers effets du Covid-19.
Selon Rabobank, le niveau historiquement bas du cheptel ovin australien compenserait l’impact du Covid-19 sur la filière : compte-tenu de la situation d’approvisionnement en Australie, il n’y aura probablement pas de baisse spectaculaire des prix à moins que la situation ne se dégrade fortement et que plusieurs installations de transformation ferment en raison de l’épidémie de Covid-19. De plus, la faiblesse du dollar australien, malgré une récent sursaut, soutient l’industrie locale dans un contexte économique mondial ralenti.