Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 312 Avril 2020 Hebdo 2

Viande ovine

Effets du Covid-19 sur la filière viande ovine à la veille de Pâques

Le confinement de la population a totalement bouleversé les habitudes de consommation des français à l’approche de Pâques. Comme pour beaucoup de pays producteurs, face à une demande moindre, la France a choisi de privilégier sa production aux viandes d’import et a beaucoup misé sur la communication autour du made in France. Les efforts de la filière semblent avoir porté leurs fruits puisqu’à quelques jours seulement de Pâques, les agneaux surnuméraires semblent avoir trouvé leur débouché, mais au prix d’une forte baisse de valeur.

La cotation française s’effondre pour Pâques

Compte-tenu de l’instabilité de la demande des français, toute la chaine d’approvisionnement est perturbée : les commandes des distributeurs aux abatteurs puis aux éleveurs se font quasiment au jour le jour. Après une forte hausse en semaine 12 puis un effondrement en semaine 13, les abattages de la semaine 14 (se terminant le 5 avril) se seraient redressés selon les données d’Ovinfos, fournies par Interbev (suivi des principaux abatteurs français représentant les ¾ de la production nationale). Les reports de la semaine 13 auraient été très importants mais les abattages de la semaine 14, même si en recul par rapport à l’an passé, auraient permis de rattraper les reports de la semaine 13, selon l’interprofession. En semaine 15, les achats des français seraient particulièrement dynamiques (déjà en bonne voie en semaine 14) et presque tout aurait été vendu.

Les reports des sorties auraient fortement ralenti à l’approche de Pâques, grâce aux engagements de l’ensemble des opérateurs de la filière et à la communication collective autour l’agneau français.

Concernant l’export en vif, le retard pris depuis début mars aurait été résorbé en semaine 15 et les exportateurs se réapprovisionneraient progressivement pour de nouveaux envois après Pâques. Les envois de bétail en vif vers l’Espagne étaient en effet baissiers sur les semaines 11 à 13 de 2020, comparativement à 2019. Le manque de personnel de certains opérateurs et les problèmes de transport expliquent ces difficultés, mais les frontières restent ouvertes.

Dans le domaine de la distribution, les achats en hypermarchés reculent fortement tandis qu’en supermarchés, la situation est meilleure. La plupart des enseignes auraient opté pour des achats préférentiellement de viande d’agneau d’origine France en semaine 15, pour certaines dès la semaine 14. La mise en avant de l’origine France pourrait éventuellement être prolongée après Pâques (notamment pendant le Ramadan). La congélation du « chilled » en provenance de Nouvelle-Zélande est prévue pour maintenir un marché a priori désengorgé alors que le confinement se poursuit après Pâques.

Il semble bien que l’agneau sous signe officiel de qualité (Labels notamment) soit dévalorisé, parfois jusqu’à perdre 1 €/kg, en entrée abattoir, alors que leur part dans la production française est élevée.  Par ailleurs, les agneaux néozélandais ont déjà été reçus et stockés par les enseignes et ils devront trouver un débouché. En outre, des commandes faites avant crise arriveraient seulement en ce moment-même dans certaines GMS, à cause du retard lié aux grèves de décembre/janvier.

Après avoir déjà chuté en semaine 13, le cours de l’agneau français perd 35 centimes d’une semaine sur l’autre, à 6,18 €/kg en semaine 14 ! Cet écroulement de la cotation est usuellement rencontré la semaine après Pâques, lorsque la demande baisse, et non une ou deux semaine(s) avant… « C’est la première fois que l’on observe le cours de l’agneau chuter avant Pâques », s’inquiètent les professionnels. En semaine 15, il gagne seulement deux centimes du kilo, alors même que les ventes sont annoncées particulièrement dynamiques… la situation se serait renversée en cours de semaine 15, selon les agents chargés des cotations en régions.

Dans tous les cas, les filières se mobilisent pour écouler leur production. C’est le cas, par exemple, des éleveurs basco-béarnais, qui doivent trouver rapidement un débouché pour leurs agneaux de lait, dont le plus grand nombre est habituellement exporté vers l’Espagne. Pâques étant le dernier rendez-vous important de la saison de l’agneau de lait. La filière concerne quelque 1 750 d’éleveurs de brebis laitières dans les Pyrénées atlantiques, avec près de 490 000 brebis. La restauration représente habituellement l’essentiel du débouché français, déjà minoritaire par rapport à l’export… Avec le confinement, les éleveurs doivent aujourd’hui vendre en local, ce qui s’avère compliqué d’autant que les agneaux laitiers espagnols concurrencent l’origine France dans le Sud-Ouest. Heureusement, les initiatives ne manquent pas, et quelques 700 éleveurs de trois coopératives des Pyrénées Atlantiques (Axuria, CAOSO et l’AOBB),  se sont associés dans la création d’un gigantesque drive mobile, pour vendre des caissettes d’agneaux de lait, à une semaine de Pâques. 40 000 agneaux sont à écouler, mais les commandes affluent par ce canal : les associés espèrent écouler 2 000 agneaux dans ce contexte.

Royaume-Uni : abattages en recul du fait d’exportations moroses

Au Royaume-Uni, la baisse de la production se poursuit et, face une demande interne et à l’export en forte diminution, la cotation britannique s’effondre… Elle repasse sous son niveau de 2019 (année déjà mauvaise pour la cotation de l’agneau britannique, pour rappel) en semaine 14, atteignant 4,40 £/kg. La situation se répète dans chaque pays producteur : retournement du prix de l’agneau avant même les fêtes de Pâques.

Irlande : La cotation irlandaise poursuit sa baisse précoce

En semaine 13 (se terminant le 29 mars), les abattages étaient en baisse de – 18% par rapport à la semaine précédente. Les ventes d’ovins se sont néanmoins redressées au début de semaine 15 et les abattoirs sont désireux de s’approvisionner pour répondre aux commandes de Pâques. La demande sur les principaux marchés d’exportation (Belgique, France et Allemagne), reste très faible. La cotation irlandaise est repassée sous son niveau de 2019, à 5,40 €/kg en semaine 14.

Toutefois, de début janvier à fin avril 2020, les sorties d’agneaux (principalement en abattoirs) en Irlande sont estimées en hausse par rapport à 2019, à 653 000 têtes, soit +16% /2019. Cette augmentation est due aux reports, sur l’année 2020, avec une estimation de 103 000 hoggets supplémentaires..

Espagne : marché de l’agneau de lait à l’arrêt et craintes vis-à-vis des envois d’agneaux lourds

Globalement, l’impact du covid-19 en Espagne sur la consommation de produits ovins est très similaire à celui de la plupart des autres pays. L’écoulement de la production de viande ovine espagnole dépendant principalement de la consommation intérieure, la situation est actuellement difficile.

Consommé de façon particulièrement saisonnière (Noël et Pâques, surtout), l’agneau de lait est aussi étroitement lié aux célébrations (mariages, baptêmes, communions et autres fêtes de famille, dont beaucoup ont lieu à cette période de l’année). La fermeture de la RHD et la suspension des fêtes de Pâques ont engendré une forte chute de la demande. Les agneaux non vendus sont donc toujours dans les fermes et, en plus de la baisse de leurs ventes, les éleveurs subissent aussi des charges liées à leur maintien dans les exploitations.

Les organisations professionnelles espagnoles craignent également la baisse des exportations d’agneaux lourds, destinés prioritairement aux pays arabes lors de célébrations collectives (Ramadan et Fête de l’agneau). Pour autant, même si on ne connaît pas encore le nombre total d’ovins espagnols exportés ces mois-ci (chiffres douaniers non publiés) : en février ouverture du marché jordanien avec l’envoi d’ovins français (nombre non connu à ce jour) et en avril, ouverture du marché saoudien avec l’envoi de quelques 21 500 agneaux pour célébrer la fin du Ramadan (fin mai) et la Fête de l’agneau (fin juillet).

Comme dans beaucoup d’autres pays les initiatives fleurissent pour soutenir et valoriser la production locale.

Océanie : divergence des prix australiens et néozélandais

Alors que l’on craignait que la viande ovine néozélandaise initialement destinée à la Chine soit détournée vers l’Europe en raison de l’arrêt momentané des ports chinois, selon AHDB, les produits détournés se sont principalement dirigés vers le Moyen-Orient au moins jusqu’à la mi-mars. D’autres sources suggèrent que le commerce reprenait doucement vers la Chine dès la semaine 11 (se terminant le 15 mars). L’impossibilité pour la Nouvelle-Zélande d’acheminer de l’agneau en Chine a provoqué une importante chute des cours néozélandais en février-mars 2020, selon Meat & Livestock Australia (MLA).

La Nouvelle-Zélande est elle-même désormais bloquée en raison du coronavirus. Le gouvernement tient à maintenir le flux des exportations agricoles. Cependant, pour se conformer aux nouvelles réglementations mises en place pour contrôler la propagation de l’épidémie, la capacité d’abattages dans les abattoirs a été réduite. Les ovins et les bovins resteraient bloqués en ferme en raison d’abord de la perturbation des ports chinois et des transports maritimes à l’échelle internationale : tout ralentissement des lignes de mise à mort ne ferait qu’exacerber la situation.

La Chine est le premier marché australien en viande ovine, mais la Nouvelle-Zélande est plus exposée, car plus dépendante de ce marché chinois : plus de 50% de la viande ovine NZ exportée avait pour destination la Chine en 2019.

Compte-tenu de la volatilité de la demande chinoise en importations, l’Australie, avec un portefeuille de clients plus diversifié, paraît davantage en capacité de gérer ces aléas. Cela explique en partie la progression du cours de l’agneau australien, malgré les difficultés d’envois vers la Chine. MLA estime ainsi que plus de 90% des exportations australiennes de viande ovine vers la Chine sont utilisées dans la RHD. C’est en fait grâce aux précipitations généralisées, observées en l’Australie cette année et qui ont succédé aux violents feux de brousses, que les prix de l’agneau ont atteint de nouveaux records et se sont considérablement découplés de ceux de la Nouvelle-Zélande.

Bien que l’écart de prix entre les deux pays soit devenu assez important, il semble peu probable qu’il puisse durer trop longtemps étant donné que les débouchés de ces deux exportateurs leaders sont souvent communs à travers le monde.

 

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