UE et monde

L’annonce du roi du Maroc rebat les cartes au sein de la filière espagnole

Alors que le roi du Maroc a décidé d’annuler le sacrifice de l’agneau pour la traditionnelle fête musulmane de l’Aïd al-Adha début juin, la filière espagnole, 1er fournisseur du Maroc en ovins vivants, réalise alors la volatilité du commerce de vifs et pense se recentrer davantage sur le commerce de viande.

La filière espagnole constate que le marché de l’export en vifs est trop volatile

L’Association nationale des industries de la viande d’Espagne (ANICE) a déclaré que l’annulation de la Fête de l’agneau au Maroc, même si elle peut affecter les exportateurs d’ovins vivants, offrira « un répit » à l’ensemble du secteur ovin espagnol, car le marché disposera d’une plus grande offre d’ovins, entraînant une accalmie des prix (qui, ces dernières années, ont atteint des sommets sur tous les marchés ovins espagnols). En 2024, le Maroc avait tout de même importé près de 600 000 agneaux d’Espagne rien que pour cette fête.
Par ailleurs, toujours selon l’ANICE, « cette suspension met en évidence la volatilité et l’instabilité des exportations d’animaux vivants et la nécessité de renforcer les exportations de viande, tant ovine que bovine, de manière beaucoup plus soutenue et solide ». Le marché marocain s’est d’ailleurs ouvert aux importations de viande ovine espagnole fraîche fin 2024, une première étape en ce sens.
Dans un avenir proche, le Maroc prévoit d’importer près d’un million d’ovins australiens pour recapitaliser son cheptel gravement touché par la sécheresse. Le gouvernement marocain se donne jusqu’à 2027, année à laquelle les exports de vifs australiens s’arrêteront.

Une production espagnole toujours modeste début 2025

Après une baisse de 11% entre 2022 et 2023, la production de viande ovine espagnole diminuait de 6% en 2024 /2023, à 99 000 téc. Le nombre d’agneaux abattus baissait de 4% (et de 3% en volume, avec un poids moyen de carcasse en hausse de +0,1 kg), celui des réformes également (avec un alourdissement plus conséquent des carcasses), avec la volonté de recapitaliser après trois années de sécheresse. D’après le maintien du cours de l’agneau à des niveaux très élevé comparé aux années passées, on s’attend à ce que les abattages d’ovins espagnols reculent encore début 2025.

Des exportations espagnoles dynamiques en janvier 2025

Tirés par une demande marocaine toujours vive au mois de janvier 2025 (57 000 têtes exportées), les envois d’agneaux vivants ont augmenté de 90% /janv.2024. Parallèlement, les envois de réformes ont reculé de 20%, via une nette baisse des expéditions à destination du marché marocain (-44%). Ces flux illustrent clairement la dépendance du marché espagnol d’ovins vivants envers le Maroc.

Après s’être maintenues entre 2023 et 2024 à de modestes niveaux comparés aux années passées, les exportations de viande ovine espagnole étaient en nette hausse d’une année sur l’autre en janvier 2025, de 37%/ 2024, à 3 600 téc.

On suppose que la consommation de viande d’agneau en Espagne est restée en recul début 2025 pour expliquer cette croissance des exports de viande ovine, alors même que les exportations d’agneaux vivants se sont envolées sur le même mois et que la production s’est possiblement de nouveau repliée.

La hausse des exportations espagnoles de viande ovine en janvier s’explique par des progression vers l’Algérie (+ 1 050 téc/janv.2024) et la France (+530 téc). L’Algérie prévoit d’ailleurs, à l’image du Maroc, d’importer près d’un million d’ovins pour recapitaliser son cheptel et cible pour cela la Roumanie… alors même que le pays européen est touché par la PPR (Peste des Petits Ruminants) qui a amputé une partie de son cheptel ovin. Ces prévisions de mouvements d’animaux inquiètent, ceux-ci étant les principaux vecteurs des épizooties en cours en Europe.

Baisse de production et de demande au sein de l’UE et du Royaume-Uni

Les premiers mois de l’année sont marqués par une production en repli chez les principaux producteurs de viande ovine. Face à cela, la demande est faible mais repart légèrement à la hausse pour le ramadan début mars : les effets sur la cotation varient selon les marchés.

Royaume-Uni : la baisse des achats britanniques bride la hausse des cours

La cotation britannique est globalement stable depuis le début de l’année 2025 tandis qu’à la même période il y a un an, celle-ci était en hausse, portée par des baisses d’approvisionnement, la croissance des exportations et la proximité du ramadan et des fêtes pascales. Début 2025, la baisse de l’offre est compensée par une demande intérieure plus faible, malgré les fêtes religieuses. Le marché de l’export semble quant à lui relativement stable.
La cotation de l’agneau britannique atteignait alors 8,83 €/kg en semaine 10 de 2025, soit -0,05 €/kg d’une semaine sur l’autre et +0,13 €/kg comparée à 2024.

La production britannique de viande ovine a en effet baissé de 6% sur les deux premiers mois de 2025, totalisant 42 000 t. Cela s’explique par un repli de 14% des abattages de réformes et de 5% des abattages d’agneaux. Comparée à la moyenne 2015-2019, elle recule de 7%.

Après un bond en 2024, les importations de viande ovine poursuivent leur croissance début 2025, augmentant de 3% /2024 en janvier 2025, à 4 460 téc, avec +3% en provenance de Nouvelle-Zélande et +26% d’Australie mais -61% d’Irlande.

Les exportations britanniques de viande ovine étaient stables sur la période, à 6 900 téc. Elles se tenaient toutefois 4% au-dessus de leur niveau d’avant Brexit et pandémie de Covid-19 (moyenne 2015-2019).

Les ventes d’agneau au détail ont enregistré une baisse de 6% des volumes achetés en glissement annuel au cours des 12 semaines précédant le 23 février 2025 d’après Kantar. Les dépenses ont également diminué de 3% au cours de cette période, malgré une hausse de 4% des prix moyens payés.

Irlande : le cours irlandais reste lui aussi relativement stable au lieu de croître

En semaine 10 de 2025, la cotation du Hoggets irlandais atteignait 8,90 €/kg, en baisse de 0,15 €/kg d’une semaine sur l’autre et en hausse de 0,55 €/kg comparé à la même semaine en 2024. La demande pour le ramadan est calme mais cela s’équilibre de toutes façons avec le marché irlandais qui reste fondamentalement déficitaire : comme au Royaume-Uni, l’un des principaux clients de l’Irlande, la cotation se stabilise, oscillant autour des 9 €/kg.

Après avoir déjà baissé de 10% entre 2023 et 2024, la production irlandaise de viande ovine a chuté de 26% /2024 en janvier 2025, totalisant 4 300 tonnes : c’est 20% de moins que sur la moyenne des cinq dernières années ce même mois. Les effectifs d’agneaux abattus ont aussi chuté de 26% /2024 en volume et de 27% en têtes, illustrant une légère hausse de leur poids moyen de carcasse, et ceux des réformes aussi, avec un léger alourdissement des carcasses également.

En janvier 2025, les exportations de viande ovine irlandaise ont baissé de 20% d’une année sur l’autre, avec une hausse de +9% vers la France (donnée non concordante avec celle des douanes françaises) et une chute de 61% vers le Royaume-Uni.

Espagne : la baisse de demande pèse sur le cours espagnol

À l’image de la tendance fin 2024, le cours espagnol entrée abattoir a débuté l’année 2025 a des niveaux soutenus mais, sous l’effet d’une demande plus modeste que traditionnellement pour les fêtes religieuses (ici pour le ramadan), a chuté en semaine 10, où il était enregistré à 9,33 €/kg, soit – 0,16 €/kg d’un mois sur l’autre mais +1,28 €/kg /2024. L’annonce du roi du Maroc, fin février, d’annuler l’import de centaines de milliers d’ovins pour la fête du Sacrifice, peut aussi expliquer ce repli.

Pour en savoir plus sur le marché espagnol de la viande ovine et les bouleversements en cours, cliquez ici.

Nouvelle-Zélande : stabilité de l’offre et des envois de viande en janvier

Après avoir augmenté de 2% /2023 en 2024, la production ovine abattue en Nouvelle-Zélande s’est maintenue d’une année sur l’autre en janvier 2025, totalisant 50 100 téc, alors qu’elle reculait de 2% en têtes.
Le nombre d’agneaux abattus a diminué de 10%/2024, à 1,8 M de têtes, tandis que celui des réformes a augmenté de 30%, à 650 000 têtes. A l’inverse, en 2024, les abattages d’agneaux ont progressé et ceux de réformes diminué, illustrant une probable volonté des éleveurs de reconstituer leurs cheptels après de nouveaux épisodes de sécheresse.
A l’image de la production, les exportations de viande ovine ont parallèlement été stables d’une année sur l’autre en janvier 2025, totalisant 38 000 téc.

Les ventes sont reparties à la hausse vers la Chine (+7%), sont restées dynamiques vers le Royaume-Uni (+11%) mais baissaient vers la France (-53%) et les États-Unis (-24%).