Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 360 Avril 2024
Lait de vache
Les dynamiques de collectes laitières restent divergentes
Depuis le début de 2024, la production mondiale semble se redresser timidement avec des prix orientés en hausse, d’ampleur toujours limitée cependant. Les dynamiques restent divergentes chez les principaux fournisseurs du marché mondial.
Dans l’UE, la collecte de lait a poursuivi la tendance baissière amorcée au second semestre 2023, dans le sillage du décrochage de la collecte irlandaise. A contrario, la collecte polonaise a affiché une belle progression. En France, la situation s’améliore même si la reprise reste encore timide.
Production mondiale en léger retrait, dynamiques divergentes
Après une fin d’année 2023 un peu bousculée par la météo chez les principaux pays exportateurs, la production mondiale semble se redresser timidement dans le sillage de prix orientés à la hausse, d’ampleur modeste cependant. Les dynamiques restent parfois divergentes chez certains exportateurs en lien avec des difficultés intérieures, qu’elles soient d’ordre climatique ou politico-économiques. Et attention toutefois, 2024 étant une année bissextile, février comptait un jour de plus.
La production des cinq premiers exportateurs mondiaux affiche une hausse, en apparence seulement
En février 2024, la production des cinq premiers exportateurs mondiaux de produits laitiers (Argentine, Australie, Biélorussie, États-Unis, Nouvelle-Zélande et UE-27) apparaissait en hausse sur un an (+2,5% /2023). Mais cette hausse apparente est liée au fait que 2024 soit une année bissextile. Ramenée sur 28 jours, la production de ces pays était en fait en léger retrait (-1,0% /2023). Les dynamiques observées sont cependant divergentes : baisse constatée en Argentine, aux États-Unis et dans une moindre mesure en UE ou hausse comme en Australie.
En cumul sur deux mois, les exportations de produits laitiers de ces cinq exportateurs affichaient une hausse sensible. Ramenés en matière sèche utile (MSU), les niveaux d’envois de produits laitiers dépassaient ceux des deux années précédentes (+13% /2023, +9% /2022). En tonnes de produits et sur un an, les envois de poudre de lactosérum étaient stables quand ceux de poudre maigre progressaient très légèrement (+1% / janvier-février 2023). Les envois de beurre et butter-oil affichaient une progression sensible (+3%) mais plus limitée que pour les fromages (+9%) et surtout les poudres grasses (x2,5).
Amplification du décrochage de la collecte en Argentine en début d’année
En Argentine, la production et la collecte de lait de vache avaient décroché au 2nd semestre 2023. Et le recul s’est amplifié depuis le début de 2024. Ainsi, sur un an, la collecte laitière était en retrait marqué en janvier (-13% /2023), comme en février dernier (-15%). Février 2024 est d’ailleurs la valeur la plus basse des 5 dernières années pour un mois de février. Et ramenée sur 28 jours, la baisse de février serait même de l’ordre de -18%.
Selon OCLA, la baisse observée est en partie liée à des indices de température et d’humidité élevés enregistrés dans la plupart des régions productrices du pays. Depuis le début de l’année, cette situation n’a pas affecté la qualité du lait produit avec notamment le maintien du taux de MSU.
Autre facteur explicatif au recul de la production, l’élection à la Présidence de la République argentine de Javier Milei. Sa prise de fonction le 10 décembre 2023 a entraîné un changement considérable du contexte politico-économique du pays avec notamment la forte dévaluation de la monnaie fin 2023 et tout un ensemble de mesures de dérégulation.
Après une remontée en novembre et décembre 2023, les prix du lait en euro se sont très nettement repliés début 2024 avec la très forte dévaluation du peso argentin qui perdu plus de la moitié de sa valeur en fin d’année. Les prix à la production en euros du lait argentin sont ainsi parmi les plus faibles dans le monde depuis le début de l’année.
Les éleveurs argentins se retrouvent aujourd’hui dans une situation ambigüe. Les charges demeurent importantes dans un pays où l’inflation systémique pèse sur des éleveurs qui doivent s’approvisionner à l’import pour certains intrants avec une monnaie nationale toujours plus faible. Mais avec la baisse des prix, la compétitivité export des produits argentins est forte alors que la suspension des taxes à l’export (ou retenciones) de produits laitiers a été prolongée début 2024 pour au moins 6 mois.
Une production toujours limitée aux États-Unis
Aux États-Unis, la production laitière au mois de février apparaissait en hausse (+2,2% /2023). Mais cette progression est en fait un artefact lié au caractère bissextile de l’année 2024. Ramené sur 28 jours, elle serait plutôt en retrait (-1,3% /2023), du même ordre qu’en janvier dernier. Malgré une légère progression du rendement par vache par rapport à l’an passé (+3%), ce repli est principalement lié à la diminution du cheptel laitier (-1% /2023).
Les prix du lait à la production ont pourtant globalement augmenté depuis début 2024 alors que les prix de l’aliment sont en baisse depuis plusieurs mois. Ainsi, l’indicateur de marge poursuit son amélioration, mais sans réel effet pour le moment sur la production.
En attendant d’y voir plus clair, la demande en produits laitiers étasuniens a été jusqu’ici plutôt bonne, notamment à l’export. Les flux ramenés en MSU étaient ainsi en hausse sur un an en février (+13% /2023), évolution amplifiée par l’effet « année bissextile ». Cette progression était liée notamment à la bonne performance des expéditions de fromages (+22% /janvier-février 2023), en lien avec la bonne compétitivité prix des produits originaires des États-Unis.
Redressement de la production en Nouvelle-Zélande
En février 2024, la décroissance saisonnière de la production néozélandaise a été moins marquée que lors des campagnes précédentes. La production était en hausse apparente de +5,5% /février 2023, mais seulement de +1,9% en ramenant février 2024 à 28 jours. Depuis le début de l’année, la progression de la production reste modeste, inférieure aux niveaux de 2021 (-4%) ou 2020 (-2%).
Depuis la dégradation de la météo entamée au mois de décembre dernier, les conditions liées à la disponibilité en eau restent fragiles. Dans l’ile du Sud, les conditions restent sèches notamment dans le Canterbury. Dans l’île du Nord, des conditions climatiques plus extrêmes ont entraîné un état de sécheresse, notamment au nord de l’île. Mais la fin de l’été austral pourrait changer la donne. L’organisme météorologique néozélandais NIWA a récemment révisé ses prévisions rappelant l’influence continue d’El Niño mais également son caractère décroissant. Les conséquences possibles sur la production laitière pourraient être moins fortes que prévues.
Les exportations néo-zélandaises ramenées en MSU se sont redressées sur les deux premiers mois de 2024 (+31% /2023, +25% /2022 et +9% /2021), hausse légèrement amplifiée par le caractère bissextile de 2024. Tous les produits étaient concernés par la hausse à l’exception des fromages (-4% /2023).
En Australie, pour le 10ème mois consécutif, la production de lait était en hausse sur un an en février (+9% / février 2023). Ramenée sur 28 jours, la progression est cependant un peu plus limitée (+5%). Cette amélioration certes modeste mais continue de la production laitière australienne est notamment liée à des prix à la production incitatifs et à des conditions météorologiques meilleures que prévues durant l’été austral (bien que toujours hétérogènes) en particulier par rapport à la saison dernière.
Avec la reprise de la production, les exportations australiennes de produits laitiers ramenées en MSU étaient en hausse sur an, en janvier (+10% /2023) comme en février (+38%, taux légèrement amplifié par le caractère bissextile de 2024). Cependant, les niveaux de production et d’exportation avaient été fortement affectés par des conditions climatiques défavorables lors des précédentes campagnes laitières.
La collecte de lait en France retrouve du dynamisme en 2024 mais cette reprise reste encore limitée. Le recul du cheptel laitier continue de ralentir tandis que le prix du lait se maintient autour de 450 €/1 000l.
La collecte repart à la hausse…
Le début d’année s’est révélé plus favorable à la production laitière française, après une année 2023 en fort repli. Le mois de février a affiché une progression de la collecte, +0,5% /2023, effet année bissextile neutralisé. Sur 2 mois, la hausse de collecte reste modérée à +0,1% /2023. Ramenée en MSU, la collecte a augmenté de +0,4% /2023, grâce à l’amélioration des taux. A noter toutefois, une dégradation du taux de matière grasse en février alors que les taux en matière protéique continuent de s’améliorer.
La région Grand Est connait la plus forte dynamique positive de production avec une collecte en hausse de +3,7% /2023 sur les 2 premiers mois de l’année. Après une année en fort recul, marquée par des fourrages récoltés en 2022 très peu qualitatifs, la collecte en Pays de la Loire s’est redressée (+1,6% /2023) bénéficiant de maïs ensilage de 2023 très lactogènes. En Bretagne et dans les Hauts de France, la hausse a été plus modeste (+0,3%).
D’après les enquêtes hebdomadaires de FranceAgriMer, la collecte en mars 2024 augmenterait de +0,8% /mars 2023. Les fortes pluies depuis octobre ont retardé la mise à l’herbe des vaches à avril. Parfois, les vaches ont été mises au pâturage plus tôt mais ont dû être rentrées en stabulation lorsque les sols n’étaient pas portants. Les parcelles qui n’ont pas pu être déprimées risquent de voir leur valeur alimentaire diminuer. Par ailleurs, ces conditions météo difficile ont conduit à une réduction des surfaces cultivées en céréales à paille, ce qui pourrait renchérir le prix de la paille en 2024.
…mais les collectes en lait bio et en lait AOP sont en net recul
Pour la première fois en 2023, la collecte de lait bio en France a sévèrement reculé (-4,5% /2022). Et sur janvier et février, la tendance se poursuit avec plus de 5% de repli, effet année bissextile pris en compte. La consommation ralentie des produits laitiers bio, les arrêts de certification en bio, l’impact du climat sur la qualité des fourrages jouent défavorablement sur le marché du lait bio.
La collecte de lait AOP serait en fort recul en 2023 (volumes en retrait de plus de 5% – Source FranceAgriMer). Et cette tendance persiste sur le début d’année avec la même dynamique de baisse (autour de -5% /2023). La diminution du cheptel laitier, affectée par la baisse démographique du nombre d’éleveurs, mais aussi la moindre productivité des vaches seraient des éléments explicatifs. La qualité des fourrages d’herbe n’a pas été bonne en 2023, caractérisée par une faible valeur alimentaire des foins. Cette qualité dégradée des fourrages continue d’affecter le niveau de collecte sur la première partie d’année.
Un repli moins marqué du cheptel
Le cheptel de vaches laitières s’est replié de -1,6% en mars 2024 /2023 et a atteint 3,34 millions de têtes. Bien que le recul persiste, il est plus modéré ces derniers mois. Sur le début d’année, on observe une progression des entrées de génisses (+2% en janvier et +4% en février).
Le prix du lait maintient le cap à 450 €/1000 l
En février 2024, le prix du lait standard (toutes qualités) en France a atteint 453 €/1 000 l dans la continuité des mois précédents. Ce prix est inférieur de -27€ à celui de février 2023 (-5,7%). Ces niveaux de prix devraient se maintenir dans les mois à venir.
Les charges en élevages, d’après l’IPAMPA lait de vache (qui représente 50% des coûts de production), ont été quasi stables en février 2024 d’un mois sur l’autre (+0,3%) et en recul de -5,5% / février 2023. Le recul des charges alimentaires se poursuit mais une hausse des postes énergie et frais vétérinaires est à souligner.
La marge MILC, estimée à 148 €/1 000 l en février, a reculé de -2,5 € d’un mois sur l’autre sous l’effet d’un léger recul du produit lait, d’une amélioration du produit de la vente des animaux (hausse des cotations) et d’une faible hausse des charges. La MILC a reculé de -20 €/1 000 l sur un an. Le produit lait a baissé de -35 €, ainsi que les co-produits viande (-7 €), mais les charges se sont aussi réduites (-22 €).
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Collecte de lait dans l’UE : léger recul et contrastes nationaux
Sur le début de l’année 2024, la collecte de lait dans l’UE poursuit une tendance baissière, amorcée au second semestre 2023. Le décrochage de la collecte irlandaise impacte la production européenne malgré une belle progression de la collecte polonaise.
Les prix du lait payés aux éleveurs tendent à converger dans les principaux bassins laitiers européens.
La collecte de lait dans l’UE en léger repli
La collecte dans l’UE-27 a marqué un recul modéré en février 2024 affichant une baisse de -0,3% /2023, effet année bissextile neutralisé. En cumul sur les deux premiers mois de l’année, le repli a atteint -0,4% /2023. Les évolutions sont variables d’un pays à l’autre. La baisse de collecte est très significative en Irlande (-16,1%) tandis que l’Allemagne (-0,6%), le Danemark (-1,4%), les Pays Bas (-2,6%) ou l’Italie (-0,4%) ont connu des baisses plus mesurées. La collecte continue de progresser en Pologne (+3,3%). Elle est aussi en hausse en Espagne (+1,6%). En France, la tendance baissière a été stoppée par une légère reprise de la collecte (+0,1%).
La collecte irlandaise toujours en net recul
Depuis le dernier trimestre 2023, la collecte décroche en Irlande interrompant une décennie de croissance. En cause, les conditions météo très défavorables ont impacté les volumes produits dans le pays où une grande partie des vaches sont dans des systèmes à base de pâturage. En 2023, l’Irlande a vécu une chute spectaculaire du prix de son lait quand les coûts de production en élevage sont restés élevés. Des évolutions réglementaires sur les nitrates affecteraient aussi la production.
La baisse des volumes irlandais participe à la remontée des prix européens du beurre, les fabrications de beurre ayant baissé dans le pays.
La collecte reste dynamique en Pologne
La collecte de lait en Pologne poursuit son dynamisme début 2024. Après avoir progressé en janvier 2024 de +2,8% /2023, c’est encore une hausse conséquente qui est enregistrée en février, de +3,7% /2023, année bissextile neutralisée. La hausse de production dans le pays incombe à des changements structurels (accroissement de la taille des troupeaux sur les exploitations et disparition des petites exploitations) et à une augmentation du rendement laitier des vaches. Les éleveurs polonais s’efforcent constamment d’augmenter la production par le biais de la génétique et de l’amélioration de l’alimentation.
Malgré cette belle dynamique, la Fédération polonaise des éleveurs laitiers alerte sur les coûts de production élevés en élevage, exprimant des inquiétudes quant à la compétitivité des produits laitiers polonais sur les marchés étrangers.
Les prix du lait des principaux bassins laitiers européens convergent
En février 2024, le prix du lait dans l’UE-27 s’est établi à 464 €/t. Il est en retrait de 69 € comparé à février 2023 (–13%). Après une progression en 2022, le prix a reculé en 2023 pour atteindre en moyenne annuelle 470 €/t, en repli de 32 € /2022. Au dernier trimestre 2023, les prix sont repartis à la hausse alors que la collecte dans l’UE était en baisse. Et ils se sont stabilisés en début d’année 2024.
Les prix du lait dans les principaux bassins laitiers de l’UE ont connu des évolutions d’ampleur variable selon les pays mais tendent à converger début 2024. L’Irlande a enregistré la plus forte hausse de prix payé aux éleveurs en 2022, atteignant presque 700 €/t fin 2022. C’est aussi le pays qui a connu le plus fort repli en 2023, son prix étant devenu l’un des plus bas de l’UE. Il est descendu à près de 380 €/t en août 2023. Il se rapproche désormais des prix observés dans les autres bassins de l’UE.
Le prix du lait en France a connu une progression beaucoup moins marquée en 2022 que les autres pays européens, étant moins sensible aux marchés des commodités laitières. Il s’est bien maintenu en 2023, dépassant les prix des principaux bassins de l’UE. Depuis novembre 2023, le prix du lait polonais a dépassé celui de la France.