Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 323 Décembre 2020 Mise en ligne le 15/12/2020
Lait de vache
Des marchés laitiers toujours solides
Les marchés des produits laitiers tiennent bons, l’optimisme transparait dans certaines régions, mais de nombreux opérateurs se montrent prudents face l’incertitude de la demande internationale pour l’instant solide.
En France, la collecte laitière française a marqué le pas à l’entame du dernier trimestre, impactée par une baisse du cheptel plus prononcée. L’Allemagne et les Pays-Bas voient aussi leur collecte s’essouffler, contrairement à l’Irlande et la Pologne où elle reste dynamique. Ainsi la collecte de l’UE-27 devrait croître moins vite au quatrième trimestre 2020.
A l’entame du dernier trimestre, la collecte laitière française a marqué le pas, impactée par une baisse du cheptel plus prononcée. D’autres grands producteurs de l’UE-27, comme l’Allemagne ou même les Pays-Bas, voient aussi leur collecte s’essouffler, contrairement à l’Irlande et la Pologne où elle reste dynamique. La collecte du vieux continent devrait croître moins vite sur le dernier trimestre.
La collecte française décroche depuis octobre
Après avoir alterné les phases de croissance et de décroissance d’une année sur l’autre au cours de l’été, se manifestant au final par une hausse de +1% sur le 3ème trimestre à 5,8 millions de tonnes, la collecte laitière semble avoir pris une orientation baissière plus marquée à l’entame du dernier trimestre 2020. Elle aurait reculé de -0,8% /2019 en octobre, à 1,954 million de tonnes selon l’enquête mensuelle laitière. Ce repli aurait été accentué en novembre à -1,3% /2019 d’après les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer. En cumul de janvier à octobre, la collecte française demeure toutefois modestement croissante (+0,3% effet bissextile décompté).
La Normandie apparait comme la région la plus épargnée par cette baisse de fin d’année. Alors qu’elle accusait un retard de -0,2% de janvier à août, la collecte affiche désormais un cumul en croissance fin octobre (+0,4% /2019) et les sondages hebdomadaires y restent orientés à la hausse sur novembre. Le Grand Est et les Hauts de France ont également connu des hausses sur octobre (respectivement +1,8% et +0,6% /2019), permettant à la 1èrerégion d’afficher un cumul en croissance de +4,7% fin octobre tandis que la 2nde accuse un léger retard (-0,1%). En revanche, les collectes régionales en Bretagne, dans les Pays de la Loire et en Auvergne-Rhône-Alpes connaissent des baisses comprises entre -1,0 et -1,3% sur octobre. Pour la 1ère, la collecte cumulée fin octobre s’éloigne de ses niveaux de l’an passé (-0,7%), tandis que les deux autres préservent malgré tout une certaine marge (+1,1 et +1,4%). C’est finalement la Bourgogne-Franche-Comté qui enregistre les reculs les plus forts sur octobre (-6,3% /2019). En cumul depuis janvier, son avance se réduit (+2,3% contre +4% fin août). Enfin, la collecte en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine continuent de décrocher (-4% et -5,5% /2019 sur octobre pour des reculs en cumul sur 10 mois de -1,4% et -2,6%).
Un renouvellement réduit du cheptel
Si les conditions météorologiques peuvent expliquer une partie de la baisse de collecte (temps relativement frais et agité en octobre avec également la tempête Alex, puis temps plus doux mais sec sur novembre), le recul du cheptel de vaches laitières apparait comme le principal facteur explicatif. D’une année sur l’autre, l’effectif national de vaches laitières présentes dans les élevages laitiers a reculé de -2% au 1er octobre et au 1er novembre, soit un rythme double de la tendance de ces dernières années, avant qu’un 1er décrochage ne soit déjà constaté à partir d’octobre 2019 (-50 000 têtes /octobre 2018) et continue de s’amplifier tout au long de 2020.
Parmi les grandes régions laitières, le recul du cheptel est le plus prononcé en Bretagne (-2,3% /2019). Il demeure limité en Bourgogne-Franche-Comté (-0,7%, et inférieur à -0,6% dans la partie Franche-Comté). Les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine connaissent quant à elles les reculs les plus marqués au plan national, avec respectivement -3,7% et -5,1%.
Avec un fort recul des entrées de génisses dans le cheptel laitier (-5% en septembre puis -4% en octobre par rapport à 2019), la remontée saisonnière du nombre de laitières d’un mois sur l’autre (de 3,578 millions de têtes au le 1er octobre à 3,586 millions de têtes le 1er novembre) tient surtout au net recul des sorties des réformes (-7% /2019). La baisse accentuée du cheptel laitier se répercute sur les naissances de veaux en forte baisse lors du pic saisonnier.
Ces évolutions pourraient refléter un ralentissement de la croissance des élevages en place qui compenserait encore moins que par le passé les cessations d’activité toujours aussi nombreuses. En 2019, le nombre de livreurs a reculé de 4,1% d’une année sur l’autre, d’après l’enquête annuelle laitière qui dénombrait 51 592 producteurs livreurs.
Croissance toujours forte en Irlande et en Pologne
Alors que parmi les autres grands pays producteurs de l’UE, les collectes allemandes et néerlandaises peinent à maintenir leur niveau de l’an passé (-0,9% /2019 pour la première et -0,1% pour la seconde sur octobre), les collectes irlandaises et polonaises demeurent dynamiques, en hausse respective de +8% et +2% sur octobre. Pour ces deux pays, il faut souligner que les prix du lait sont bien orientés depuis l’été, supérieurs à leur niveau de l’an passé (391 € /t sur octobre en Irlande soit +25 € /2019, et 325 €/t soit +11 € en Pologne d’après le MMO). En revanche, le prix du lait est stable en Allemagne à 347 €/t et en légère baisse aux Pays-Bas (-10 € à 337 €/t).
Au total, la collecte de l’UE-27 est demeurée croissante en octobre, en hausse de +1,1% /2019 d’après nos estimations à 11,57 millions de tonnes. En cumul depuis janvier, elle aurait approché 122 millions de tonnes, soit +1,5% /2019.
La collecte britannique confirme quant à elle son rebond de septembre (+0,7% /2019) avec une croissance de +2,2% sur octobre, soit la plus forte croissance depuis juillet 2019 ! En cumul de janvier à octobre, elle accuse un retard de seulement -0,6% désormais, contre -1,3% à la fin du 1er semestre.
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Bonne tenue des cours
Les marchés des produits laitiers tiennent bon, l’optimisme transparait dans certaines régions, mais de nombreux opérateurs se montrent prudents face l’incertitude de la demande internationale pour l’instant solide.
En cette fin d’année 2020, les marchés laitiers résistent à la crise sanitaire apparue il y a près de 10 mois. L’optimisme semble même de mise en Nouvelle-Zélande. Les enchères de Fonterra ont enregistré trois hausses consécutives et la coopérative néozélandaise a, début décembre, revu à la hausse sa fourchette de prix pour la campagne en cours compte tenu de la bonne tenue des achats chinois. Pourtant de nombreuses interrogations pèsent sur la poursuite de cette tendance. Les mesures de confinement, en Europe comme aux États-Unis, qui impactent la consommation évoluent en fonction d’une situation sanitaire très aléatoire et imprévisible. Outre-Atlantique, une incertitude supplémentaire concerne la poursuite des achats publics de produits alimentaires par la future administration Biden. Face à une production laitière en hausse, notamment aux États-Unis alors qu’elle marque le pas en Océanie, le salut devrait donc venir de l’exportation vers les bassins déficitaires, en Asie et au Moyen-Orient. Mais la situation économique mondiale devient préoccupante et les acheteurs rechignent à se couvrir sur le long terme.
Marché du beurre : transactions ralenties
Le prix du beurre demeure sous pression en France, suite aux nouvelles mesures restrictives mises en place pour lutter contre la Covid-19. La cotation ATLA du beurre sur le marché spot s’est légèrement effritée en novembre passant de 3 380 € à 3 300 €/t (-8% /2019) début décembre. Le confinement débuté fin octobre a de nouveau réduit les ventes en restauration hors-domicile, seule la restauration collective restant ouverte avec une fréquentation réduite. La hausse des achats des ménages devrait en partie compenser la réduction de ce débouché.
Dans l’UE 27, les fabrications sont restées dynamiques au 3ème trimestre (+2,9% /2019) mais les exportations ont reculé (-13% /2019) sur la même période, défavorisées par une mauvaise compétitivité prix. Car si le cours est relativement stable depuis 3 mois, oscillant entre 3 460 et 3 480 €/t (-4% /2019), il se situe depuis bien au-dessus de celui de son concurrent néo-zélandais. Les fabrications et les exportations devraient marquer le pas dans les semaines à venir et les stocks, légèrement sous leur niveau de 2019, poursuivre leur recul saisonnier.
Le marché du beurre demeure lourd aux États-Unis. Bénéficiant d’une production laitière en hausse, les fabrications de beurre ont atteint 75 000 t (+1,2% /2019) en octobre, un nouveau record historique pour ce mois. Avec une demande plus faible pour certains produits riches en matières grasses, la crème bon marché continue à être transformée en beurre. La demande semble relativement bonne et les stocks ont reculé d’un mois sur l’autre, mais affichent toujours leur niveau le plus élevé depuis 2013 à 136 000 t (+28% /2019). Malgré les efforts des industriels pour écouler les volumes de beurre au détail, ces stocks pèseront encore un certain temps sur le marché en raison de la baisse des ventes en RHD, qui écoule près de 60% des volumes. Les cours ont donc reculé en novembre pour le 2ème mois consécutif et ont atteint, à 2 596 €/t (-36% /2019), leur 2ème plus bas niveau en euros depuis décembre 2013. Cette compétitivité prix ne semble pas tirer les exportations étatsuniennes qui demeurent inférieures à celles de l’année dernière.
A l’inverse, les cours ont progressé en Nouvelle-Zélande pour le 2ème mois d’affilé, à 3 230 €/t (-14%/2019). Les acheteurs ne semblent plus espérer de baisse de prix chez le premier exportateur mondial et procèdent donc aux achats. En outre, le rythme de progression de la production néozélandaise, qui entre dans son pic saisonnier, ralentit fortement compte tenu de conditions météorologiques très sèches.
Marché des protéines laitières : sous pression
Avec des fabrications haussières dans les principaux pays producteurs, les cours de la poudre maigre ont été orientés à la baisse en novembre, reperdant une partie de la hausse enregistrée en octobre. Mais les stocks demeurent bas et devraient soutenir les cours.
En Europe, le recul des cours a été modéré d’un mois sur l’autre (-1%), mais à 2 155 €/t (-12% /2019) le cours s’éloigne petit à petit de son niveau de l’an dernier. Les fabrications poursuivent leur baisse saisonnière, mais demeurent très importante par rapport aux années passées (+11% /2019 sur le 3ème trimestre et +4% sur les 9 premiers mois). La demande intérieure est poussive, compte tenu de l’incertitude qui persiste sur la consommation en lien avec les mesures sanitaires. Les exportations restent dynamiques (+18%/2019 sur les 3 premiers trimestres), mais sont repassées en août et septembre sous leur niveau de 2019. Cependant les stocks bas, moitié moins élevés que l’année dernière, devraient permettre de soutenir les cours.
Aux États-Unis, après avoir gagné près de 300 €/t entre août et octobre et s’être rapproché des cours européens, le cours de la poudre maigre a reperdu près de 100 € d’un mois sur l’autre, pour afficher 2 030 €/t (-16% /2019) en moyenne en novembre. Les fabrications de poudre maigre ont rebondi depuis août, en lien avec la production laitière, affichant un record historique en septembre. Soit une hausse de +9% /2019 entre août et octobre. La seconde vague de la COVID-19 aux États-Unis maintient la pression sur la demande intérieure. L’export devient donc le débouché permettant de maintenir les cours. En bénéficiant de la dépréciation du dollar, les envois demeurent très élevés sur les 3 premiers trimestres (+24% /2019), L’Asie du Sud-Est compense les moindres achats mexicains, premier débouché des produits étatsuniens. Les stocks de poudre maigre (NDFM) se situent à un niveau intermédiaire entre ceux élevés de 2019 (+8%) et inférieurs de 2018 et 2017.
En Nouvelle-Zélande, le manque de compétitivité prix limite les exportations, qui sont demeurées faibles sur les 10 premiers mois (-5% /2019). Le recul des cours enregistrés en novembre (-6% d’un mois sur l’autre) pourrait redonner un peu de marge aux exportations, mais le niveau du prix néozélandais reste bien supérieur à ceux des principaux concurrents que sont les États-Unis et l’UE.
Marchés des fromages : contrastés
Les cours des fromages sont restés fermes en Europe. Le cours de l’emmental (moyenne UE) a progressé pour le 2ème mois d’affilé, retrouvant en novembre son niveau de mai 2020 à 4 976 €/t (+5% /2019). Celui du gouda enregistre son 3ème mois consécutif de stabilité à 3 080 €/ (-2% /2019). Les fabrications demeurent bien orientées (+1,7% au 3ème trimestre) pour satisfaire une consommation intérieure qui ne pâtit pas trop des restrictions sanitaires prises dans les différents pays. Les exportations européennes ont également été dynamiques au 3ème trimestre (+11% /2019) et ont écoulé la plus grande partie des fabrications supplémentaires sur cette période.
Les évolutions sont plus contrastées chez les autres grands producteurs. Aux États-Unis, le cours du cheddar poursuit sa forte volatilité. Il a atteint un nouveau pic en octobre à 5 525 €/t, tiré par les ventes au détail, les achats du gouvernement et le manque de cheddar jeune (4-30 jours). Les prix élevés ont fini par freiner les acheteurs et le cours a de nouveau chuté de plus de 700 €/t en un mois, pour se retrouver à 4 800 €/t en novembre (+4% /2019). Les fabrications évoluent également en dents de scie : sous leurs niveaux de 2019 en août et octobre et au-dessus en juillet et en décembre.
Les exportations évoluent en fonction des prix mais affichent sur 9 mois les mêmes volumes qu’en 2019. Les stocks de fromages ont enregistré une forte baisse saisonnière depuis le mois de mai, se retrouvant début novembre à leur niveau de 2019. Cependant, la crainte d’une surproduction de fromage émerge dans le pays. La production laitière dynamique et la forte augmentation en cours de la capacité de transformation font craindre une offre en hausse tandis que des interrogations sur la poursuite des achats publics par la future administration Biden et la progression importante des cas de Covid-19 qui mènent à des restrictions sur la RHD interrogent sur l’évolution de la demande.
En Nouvelle-Zélande, après 3 mois de hausse, le cours du cheddar a reculé de près de 100 €/t pour afficher 3 140 €/t (-6% /2019). Les exportations restent en retrait sur les 10 premiers mois (-7% /2019), mais les acheteurs semblent être revenus aux achats.
Marché de la poudre de lactosérum : bien orienté
Le marché du lactosérum en poudre reste ferme et les cours sont orientés à la hausse. La progression est modérée dans l’UE, avec des hausses comprises entre +1% (Allemagne et Pays-Bas) et +3% (France) d’un mois sur l’autre, pour maintenir les cours au-dessus des 700 €/t. Aux États-Unis, la hausse atteint +9% entre octobre et novembre. Les achats chinois, pour nourrir un cheptel porcin en pleine recapitalisation, sont dynamiques (+37% sur les 10 premiers mois) et tirent les exportations étatsuniennes alors que la production évolue en dent de scie, en lien avec celle de fromages.