Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 298 Février 2019

Lait de vache

Collecte ralentie et marchés haussiers

En plein cœur de l’hiver, La collecte laitière demeure ralentie dans la plupart des pays membres de l’Union européenne. Combinée à une production peu dynamique dans la plupart des autres grands bassins exportateurs, elle contribue au redressement des cours des produits laitiers.

De plus les stocks d’intervention européens de poudre maigre ne pèsent plus sur le marché. Un bel anticyclone s’installe donc sur l’économie européenne. Mais il risque malheureusement d’être de courte durée si l’hypothèse, de plus en plus probable, d’un Brexit sans accord se confirme dans les prochaines semaines.

 

Sommaire du numéro 298
Lait de vache

Lait de vache » Collecte laitière »

ralentie dans la plupart des pays de l’UE-28

La collecte européenne est toujours ralentie en ce début d’année, en recul de près de 1% /2018 en janvier d’après nos estimations, dans le sillage de la tendance amorcée au 4ème trimestre 2018 (-0,8% /2017). Elle pourrait se rétablir progressivement dès mars si la pousse de l’herbe était précoce.

Plus de la moitié des pays membres connaissent un ralentissement de production, mais trois pays en sont les principaux responsables : la France (-200 000 t), les Pays-Bas (-220 000 t) et l’Allemagne (-120 000 t) au 4ème trimestre 2018. A l’inverse la production laitière est toujours dynamique en Irlande et en Pologne, tandis qu’elle se rétablit au Royaume-Uni.

Malgré le fléchissement au 4ème trimestre 2018, la collecte annuelle a sensiblement progressé en 2018 dans l’UE-28, à 156,2 millions de tonnes (+1,2 million de tonnes soit +0,9% /2017).

Décrochage prolongé de la collecte française

En France, la production laitière est déprimée, malgré un prix du lait à la production plutôt bien orienté. La collecte nationale enregistre en janvier son 6ème mois consécutif de baisse d’une année sur l’autre, estimée à -2,7% d’après les sondages hebdomadaires FranceAgriMer, dans la tendance à l’œuvre depuis septembre 2018. Ainsi la chute de la collecte automnale (-3,5 % /2017) a gommé la faible hausse des 9 mois précédents, ce qui a ramené la production annuelle française (24,6 millions de tonnes) au niveau de 2016 et 0,2% sous celui de 2017. Soit loin des hauts niveaux atteints en 2014 et 2015, à la veille et au lendemain de la fin des quotas laitiers.

Au 4ème trimestre, seuls les Hauts de France et la Normandie sont épargnés où la sécheresse estivale a été moins sévère et peu pénalisante. Le décrochage est modéré dans le Grand Ouest et dans le Centre Val de Loire. Il est très prononcé dans le Grand-Est, en Bourgogne-Franche-Comté, où les conséquences de la sécheresse ont fortement affecté la quantité et la qualité des fourrages, mais également en Auvergne-Rhône Alpes. Elle est également très forte dans le Sud de la France où les difficultés climatiques ont accentué le fort mouvement de déprise laitière.

La qualité du lait s’est enrichie cet automne avec le ralentissement de la collecte, après avoir été très impactée par les effets de la canicule. Sur l’année, le taux moyen de la matière grasse du lait de la collecte est finalement stable à 41,28 g/l, tandis que celui de la matière protéique recule de 0,25 g à 33,20 g/l.

A 3,714 millions de vaches au 1er janvier, le cheptel laitier est stabilisé depuis novembre, après avoir traversé une période de réformes abondantes de vaches laitières de juillet à octobre qui a limité la hausse saisonnière des effectifs, malgré des entrées abondantes de génisses. Ainsi, le cheptel laitier est toujours 0,9% sous l’effectif enregistré un an auparavant.

Le prix du lait standard toutes filières confondues (y compris les laits AB et AOP) a entamé une baisse saisonnière limitée durant l’automne grâce à la remontée des cours des ingrédients laitiers, malgré la baisse des indices saisonniers positifs versés par la plupart des laiteries. A 344 €/1 000 l en décembre, il est au même niveau qu’en 2017. Le prix réel payé aux éleveurs est toutefois moindre de 2,5 cts à 371 €/1 000 l. En 2018, les prix annuels de base et payés aux livreurs ont progressé de 4 et 3 € à 334 et 356 €/1 000 l. En janvier et février, le prix de base (moyenne nationale) pourrait s’apprécier légèrement aux alentours de 350 €/1 000 l, soit 10 € au-dessus de son niveau de l’hiver 2018, grâce notamment à l’amélioration de la valorisation commerciale du lait transformé en beurre et poudre.

En Allemagne, production moins affectée

En Allemagne, la production laitière est aussi entravée à court terme par la baisse des  disponibilités fourragères. La collecte a baissé de 2,4% /2018 en janvier après -1,4% /2017 au 4ème trimestre 2018. Ainsi la collecte annuelle a progressé de 1,4% /2017 grâce à la forte hausse au 1er semestre.

Cependant, elle pourrait se redresser lentement au printemps en raison de la forte contraction du cheptel laitier qui a perdu 100 000 vaches (-2%) entre novembre 2017 et novembre 2018, à 4,1 millions de têtes. Cette baisse, la plus forte enregistrée au cours de ces dix dernières années, concerne tous les Länder sans exception. Elle ne provient pas d’une accélération des cessations laitières, mais d’un ajustement de la taille des troupeaux aux moindres stocks fourragers diminués par la vague de chaleur estivale.

Aux Pays-Bas, la production a décroché plus fortement (-6% /2017 en décembre et au 4ème trimestre) sous l’effet conjugué de disponibilités fourragères limitées et de la forte contraction du cheptel pour cause de mise aux normes des élevages aux réglementations environnementales. Après avoir chuté de 7% en deux ans (-113 000 têtes), il parait désormais stabilisé au regard de l’évolution des réformes qui sont retombés à un niveau normal. La production laitière demeurera ralentie au 1er trimestre 2019, d’autant que les éleveurs disposent de stocks fourragers plutôt limités, même si le prix du lait à la production est bien orienté. La coopérative FrieslandCampina a porté le prix garanti de février 2019 à 365 €/t (+2,5 €/janvier 2019 et -10 €/février 2018).

 

Production rétablie dans les îles britanniques

Au Royaume-Uni, la collecte a progressé début 2019 (+2% /2018 en janvier) dans le sillage de la tendance automnale durant laquelle elle a bénéficié d’une météo très océanique et à un prix du lait sensiblement croissant. En 2018, le sursaut de la collecte automnale a gommé le trou d’air estival provoqué par la sécheresse exceptionnelle si bien que la collecte annuelle a progressé marginalement (+0,2% /2017).

En Irlande, la collecte a connu une baisse saisonnière très atténuée durant l’automne dernier sous l’effet de conditions climatiques automnale plus favorables à la pousse de l’herbe (croissance double de la normale) et de prix du lait très stimulant bondissant de +21% /2017 au 4ème trimestre 2018. Les collecteurs ont favorisé la production automnale en versant des compléments au prix de base stable (à 330 €/1 000 l), si bien que le prix du lait payé a bondi de 75 € en quatre mois de 327 €/1 000 en juillet à 402 € en novembre (+23% /2017). Les éleveurs ont répondu positivement : ils ont acheté d’importantes quantités de fourrages, augmentant de 75% leurs dépenses alimentaires selon Teagasc, et ont retardé la période de tarissement de leurs vaches. Malgré ce sursaut automnal, la collecte annuelle n’a finalement progressé que de +4,4% /2017, après avoir bondi de 13% en 2017. Soit une croissance de +50% en dix ans.

Enfin, au Danemark et en Pologne, la production laitière poursuit une croissance ferme et régulière, avec respectivement +1,9% /2017 et+2,9% /2017 au 4ème trimestre, soit une croissance de la collecte annuelle de +2,5% /2017.

Dans les prochains mois, la production européenne pourrait se rétablir, et retrouver dès le printemps son niveau de 2018, notamment si la pousse de l’herbe était précoce. De plus, le prix du lait évolue favorablement, grâce à des marchés des produits laitiers assainis. Le prix du lait conventionnel valorisé  en beurre/poudre maigre sur les marchés mondiaux est bien orienté (+12% en un mois à 288 €/1 000 l en janvier) et le prix du lait sur le marché spot se maintient à un très bon niveau aux Pays-Bas. Cependant un Brexit sans accord (scénario de plus en plus probable) pourrait provoquer une onde de choc et stopper le fragile équilibre des marchés.

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Hausse générale des cours

Les nuages sur les marchés des produits laitiers semblent se dissiper peu à peu. La production laitière des principaux exportateurs n’affiche plus de surplus, les stocks d’intervention européens de poudre maigre ne pèsent plus sur le marché et la demande mondiale reste ferme. Les cours ont donc dans leur ensemble enregistré une hausse en début d’année. Seule grosse ombre au tableau, le risque d’un Brexit dur de plus en plus probable.

Poudre maigre : disparition des stocks d’intervention

En 2018, la Commission européenne avait vendu par adjudication 277 000 t sur les 377 000 t stockées en début d’année. Les ventes se sont accélérées en janvier 2019 avec des volumes cumulés de près de 100 000 t, vidant les stocks et ne laissant que 3 000 t pour la prochaine enchère. Observant la remontrée de cours, les acheteurs ont semble-t-il saisi l’occasion de se procurer des volumes à des prix relativement bas, même si le prix minimum a progressé pour atteindre 1 585 €/t.

Car le redressement des cours de la poudre maigre s’est poursuivi en janvier, la cotation ATLA atteignant les 2 000 €/t, avant de refluer légèrement et d’afficher début février à 1970 €/t (+44% /2018), le plus haut niveau depuis mi-2017. Dans le même temps, le cours moyen européen est repassé au-dessus du prix d’intervention.

Les échanges internationaux sont toujours dynamiques, les exportations des 10 premiers exportateurs ont progressé de 5 % sur les 11 mois, et tirent les cours de la poudre étatsunienne et néozélandaise à la hausse, respectivement à 1 900 €/t (+50% /2018) et 2 110 €/t (+43% /2018).

Si la production étatsunienne a fortement ralenti depuis le début du 2nd semestre 2018,  les stocks nationaux demeurent encore relativement élevés, même si inférieurs au haut niveau de 2017. Mais avec des stocks d’intervention à zéro et des fabrications européennes qui affichent leur 8ème mois consécutif de repli et une baisse de 1,7% /2017 sur les 11 premiers mois de l’année 2018, l’offre du 1er exportateur mondial reste limitée. Le marché international devrait donc rester bien orienté au cours des prochains mois.

Marché du beurre : arrêt de la baisse des cours

La baisse des cours du beurre, entamée au début du 2nd semestre 2018, s’est arrêtée en fin d’année. La cotation ATLA du beurre échangé sur le marché spot a rebondi de 200 €/t en janvier pour approcher les 4 500 €/t (+7% /2018 et +3% /2017). La hausse du prix français s’appuie notamment sur le rebond de la consommation nationale constatée fin 2018 (+6% /2017 en P13), après plusieurs mois de recul, et sur une production en baisse saisonnière. Cette évolution suit également l’appréciation du beurre échangé sur le marché mondial. Le cours du beurre expédié d’Océanie a regagné 300 €/t après les avoir perdu en décembre, revenant près des 3 700 €/t. Les enchères de Fonterra ont connu leur 5ème hausse d’affilée, avec des progressions importantes notamment sur le beurre.

La remontée des cours océaniens permet de resserrer l’écart avec les cours des produits européens destinés à l’exportation et de leur redonner un peu de compétitivité. Les exportations de l’UE-28 ont en effet reculé de 7% /2017 en 2018, conséquence de cours élevés et de disponibilité limitées, alors que les envois des dix premiers exportateurs progressaient de 8% /2017, tirés par la Nouvelle-Zélande.

Des disponibilités en beurre limitées dans les grands bassins laitiers

Les fabrications européennes de beurre n’ont progressé que de moins de 1% sur l’année 2018. Fin 2018, les stocks UE de beurre affichaient des niveaux plus élevés qu’en 2017, mais somme toute modérés pour cette période de l’année. D’une part, la consommation européenne a été affectée par la canicule et par la hausse des prix au détail. De l’autre, les exportations européennes ont été ralenties durant l’été faute de compétitivité face à l’agressivité de nouveaux fournisseurs. Aux États-Unis, les stocks ont fortement reflué, au plus bas depuis 2015, et la production a enregistré en novembre son 2ème mois de repli consécutif par rapport à 2017. Enfin, la production néozélandaise est entrée dans sa période de baisse saisonnière. Compte tenu de cette offre peu abondante, la baisse des cours ne devrait donc pas reprendre dans les prochains mois et le rapport de prix entre protéine et matière grasse devrait revenir à des niveaux moins inhabituels.

Marché des fromages : rebond des cours malgré des stocks importants

En janvier, le cours de l’emmental, spécialité peu échangée hors UE-28, a progressé en Allemagne pour le deuxième mois d’affilé sous l’effet d’un bon ajustement de l’offre à la demande et affiche le cours le plus élevé depuis décembre 2017.

Le cours du gouda (fromage commodité) s’est stabilisé en début d’année après deux mois consécutifs de baisse, à 3 000 €/t (+12% /2018). Sur l’année 2018, le cours du gouda a cependant affiché un niveau moyen inférieur de près de 10% à celui de 2017. Le cours du cheddar océanien, après avoir reculé de 400 €/t sur le 2ème semestre 2018, a rebondi de 200 €/t en janvier pour repasser au-dessus des 3 000 €/t.

Face à une demande moins dynamique sur le marché domestique comme à l’exportation, la production de fromages a de nouveau reculé dans l’UE-28 en novembre 2018 d’une année sur l’autre, réduisant la progression sur 11 mois à 0,3% /2017. Les exportations européennes et océaniennes de fromages ont été stables sur les deux derniers mois de l’année 2018 par rapport à 2017 et ont dû légèrement progresser au départ des États-Unis.

En conséquence, malgré la production atone, les stocks européens de fromages ont atteint fin 2018 des niveaux élevés, proches de ceux de 2017. Aux États-Unis, ils étaient également importants fin 2018, supérieurs à ceux de 2017 et pèsent sur les cours intérieurs.

poudre de lactosérum : hausse des cours

En début d’année 2019, les cours européens du lactosérum ont poursuivi leur hausse entamée mi-2018, pour approcher les 900 €/t début février, un niveau plus atteint depuis la mi-2017. Cette évolution s’explique par une demande mondiale dynamique et une offre limitée. La baisse saisonnière des fabrications fromagères dans l’UE-28 d’un côté et le repli de la production étatsunienne depuis la mi-2018, conjuguée à un retour des stocks à des niveaux moyens historiques après une forte hausse en 2017 de l’autre, limitent l’offre de poudre de lactosérum.

 

 

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