Lait de vache

Des signaux favorables

Le ralentissement de la collecte européenne, combiné au faible dynamisme de la production dans les autres grands bassins laitiers, facilite le redressement du marché des protéines laitières, mais ne stoppe pas pour autant l’érosion des cours du beurre encore relativement élevés. La production hivernale dans l’Union européenne devrait demeurer ralentie au 1er trimestre, sous l’effet de  cheptels réduits dans plusieurs pays et de stocks fourragers limités dans les pays touchés par la sécheresse de l’été 2018.

Lait de vache » Collecte laitière »

Collecte ralentie en France et dans l’UE-28

Les conséquences de la sécheresse et de la canicule ont entraîné un recul de la production européenne sur le dernier trimestre, notamment en France et en Allemagne. La collecte française devrait, sur l’année 2018, rester stable par rapport à 2017. La production hivernale dans l’Union européenne devrait être affectée par la réduction du cheptel dans plusieurs pays et par les tensions sur les disponibilités fourragères.

Décrochage de la collecte française en automne

La collecte française a enregistré en décembre son quatrième mois de recul consécutif par rapport à 2017, avec une baisse estimée à 2,5% d’après nos estimations basées sur les sondages hebdomadaires FranceAgriMer. Avec une chute de près de 3%, le 4ème trimestre annule la faible hausse des 9 premiers mois et ramène la production annuelle française proche des niveaux de 2017 et 2016, sous les 24,6 millions de tonnes. Sur la fin de l’année, le décrochage de la production laitière affecte diversement les bassins laitiers. La baisse de collecte est très prononcée dans le Grand-Est, en Bourgogne-Franche-Comté, où les conséquences de la sécheresse ont fortement affecté la quantité et la qualité des fourrages, mais également en Auvergne-Rhône Alpes. Elle est également très forte dans le Sud de la France où les difficultés climatiques ont accentué le fort mouvement de déprise laitière. Elle se situe dans la moyenne dans la plupart des autres régions. En revanche, la production se maintient dans les Hauts-de-France et progresse même en Normandie où la sécheresse a été moins sévère et peu pénalisante.

La qualité du lait est redevenue normale, après avoir été impactée par les effets de la canicule. En octobre, les taux de matière grasse et de matière protéique sont repassés au-dessus de leur niveau de 2017, respectivement de 0,47 g/l (42,32g/l) et de 0,03 g/l (34,01 g/l). Après 4 mois de réformes abondantes et d’importantes entrées de génisses, la tendance s’est inversée en novembre. Les sorties de vaches ont reculé de 1% /2017 et les entrées de génisses de 3% /2017. Ainsi le cheptel national s’est quasiment stabilisé au 1er décembre et comptait 0,8% de vaches laitières de moins qu’en 2017, d’après les inventaires dans SPIE-BDNI.

Le prix du lait standard toutes filières confondues (y compris les laits AB et AOP) a entamé sa baisse saisonnière en octobre à 351 €/1 000 l sous l’effet d’une baisse des indices saisonniers positifs versés par la plupart des laiteries. Il se situe légèrement au-dessus de son niveau de 2017 (+0,8% ou +3 €).

Le prix réel a cependant connu une hausse d’un mois sur l’autre, grâce à la remontée des taux de matière grasse et de matière protéique et dépasse son niveau de 2017 (+1,1%, soit +4€). Le prix standard devrait poursuivre son recul en novembre et décembre être passer sous la barre des 350 €/1 000 l, sous le double effet d’une quasi stabilisation du prix du lait valorisé en beurre/poudre maigre sur le marché européen en novembre et de la fin des indices saisonniers positifs.

Forte réduction du cheptel allemand

Comme en France, le recul de la production allemande s’est également poursuivi au 4ème trimestre2018, avec une baisse de 2,5% /2017 en décembre. Sur l’année, elle a progressé de près de 1,4% /2017 grâce à la forte hausse au 1er semestre.

Cependant, la production en 2019 devrait non seulement être affectée par le manque de fourrages dans le nord du pays, mais aussi par la réduction du cheptel laitier intervenue surtout au 2nd semestre 2018. Le cheptel national a reculé de 2% entre novembre 2017 et novembre 2018, soit près de 100000 animaux, pour s’établir à 4,1 millions de têtes. Cette baisse, la plus forte enregistrée au cours de ces dix dernières années, concerne tous les Länder sans exception. Elle ne provient pas d’une accélération des cessations laitières, mais d’un ajustement de la taille des troupeaux aux moindres stocks fourragers diminués par la vague de chaleur estivale. Le prix du lait pourrait également freiner le dynamisme de la production allemande au cours de l’hiver. Le prix du lait standardisé (38 g de MG et 32 g de MP) est resté stable à 334 €/1 000 l en novembre, en lien avec la quasi stabilisation de la valorisation du lait transformé en beurre/poudre maigre, mais il demeure très en-deçà de son niveau de 2017 (-9% /2017). Cet écart pourrait se réduire début 2019 avec une probable hausse de la valorisation du lait transformé en beurre/poudre maigre, sans que le prix ne rejoigne les niveaux atteints début 2018.

Une production européenne en recul

Outre la France et l’Allemagne, d’autres pays européens ont affiché en novembre des niveaux de production inférieurs à 2017. Les productions italienne (-3% /2017) et espagnole (-1%) ont poursuivi leur recul entamé au cours de l’été. Avec -7% /2017 en novembre, les Pays-Bas ont enregistré leur 10ème mois de recul consécutif. Les hausses de production au Royaume-Uni (+0,5% /2017),au Danemark (+1%), en Pologne (+2,4%) et en Irlande (+20% en fin de campagne) n’ont pas suffi à compenser les nombreuses baisses. Au total, la production européenne a reculé de 1% /2017 en novembre, mais devrait afficher une hausse d’un peu moins de 1% sur l’ensemble de l’année 2018.

La production sur le premier trimestre 2019 devrait être affectée par les réductions des cheptels allemand et néerlandais, mais également par les disponibilités fourragères limitées dans plusieurs pays.

Ralentissement de la production dans les bassins excédentaires

Après un rebond au cours de l’été, la hausse de la production étatsunienne s’est de nouveau ralentie en novembre (+0,6% /2017). Elle ne progresse plus que de 1,1% sur les 10 premiers mois de l’année. Malgré une remontée en octobre de la marge sur coût alimentaire pour le 3ème mois consécutif, elle reste toujours bien inférieure à son niveau de 2017 (-10%). En outre, les abattages de vaches laitières ont connu une accélération en octobre et novembre (+10% /2017). En novembre le cheptel étatsunien a donc poursuivi son recul entamé en mai, avec une baisse de 0,4% /2017 soit -38 000 têtes.

Après un très bon début de campagne (+6% /2017 de juin à octobre), la croissance de la production néozélandaise a fortement ralenti en novembre (+1% /2017). Les conditions climatiques demeurent excellentes, la bonne pousse de l’herbe ayant permis la constitution de stocks de foin mobilisables en cas d’accident météorologique. Mais les importants volumes produits ces derniers mois pèsent sur les cours des fabrications et ont poussé début décembre Fonterra à réviser son prix à la baisse pour la troisième fois depuis le début de la campagne, de 6,25-6,50 $ à 6,00-6,30 $/kg MS.

La campagne laitière australienne 2018/19 apparaît toujours maussade, en recul de 4% /2017 sur juillet-octobre. La sécheresse entraînant une hausse des coûts de l’alimentation a freiné l’enthousiasme des éleveurs qui ont fortement réduit leur cheptel. Les abattages de vaches laitières ont bondi de 15% /2017 entre juillet et septembre 2018. Les autorités australiennes anticipent sur l’ensemble de la campagne une baisse de 3% du cheptel et un recul de 4% de la production qui descendrait sous les 9 milliards de litres, un niveau plus atteint depuis la campagne 1995-96.

Après 9 mois de forte hausse, la production argentine s’est contractée en novembre (-1% /2017). Si les conditions climatiques sont toujours favorables, l’environnement économique (inflation, dépréciation de la monnaie) freine le dynamisme des producteurs laitiers. Sur l’année, la production devrait cependant progresser de près de 5%.

 

 

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Nette embellie sur la poudre maigre

Le ralentissement de la collecte européenne, combiné au faible dynamisme de la production dans les autres grands bassins laitiers, facilite le redressement du marché des protéines laitières, mais ne stoppe pas pour autant l’érosion des cours du beurre encore relativement élevés.

Fabrications européennes globalement réduites

La baisse de la collecte européenne, amorcé en septembre, a surtout réduit les fabrications d’ingrédients secs, poudre maigre et surtout poudres grasses non compétitives face à la Nouvelle-Zélande. Cependant l’impact du reflux laitier a été tamponné par le ralentissement de la consommation estivale de produits frais (imputable à la canicule) qui a diversement affecté les fabrications de produits de grande consommation.

Poudre maigre : sursaut prometteur des cours

A l’œuvre depuis le printemps, le redressement des cours de la poudre maigre s’est accentué fin 2018. La cotation ATLA a bondi de 200 €/t en 4 semaines, à 1 830 €/t fin 2017 (+32% en l’espace de un an), après avoir oscillé de juillet à novembre. Ce sursaut semble précurseur d’un réel retournement de tendances.

Jusqu’en novembre, le marché des protéines laitières disposait de disponibilités abondantes, malgré les moindres fabrications européennes, grâce à la remise en circulation de l’essentiel des stocks d’intervention. En 2018, la Commission européenne a vendu par adjudication 277 000 t sur les 377 000 t stockés au 1er janvier, en les bradant à des prix bien inférieurs au prix de marché (de 1 050 €/t en février à 1 450 €/t en décembre). Au 1er janvier 2019, l’UE-28 ne détenait plus que 100 000 t de poudre maigre d’intervention, même si le volume physique encore en stock était encore de près du double d’après nos estimations.

Aux États-Unis, les stocks ont aussi fortement reculé au 2nd semestre sous l’effet de moindres fabrications (-5% en octobre) et d’exportations dynamiques (+19% en octobre et +25% sur 10 mois).

Rebond des exportations européennes de poudre maigre

Durant l’automne, la demande internationale a été encore plus vive que durant les neuf premiers mois de 2018, probablement sous l’effet d’achats anticipés par de nombreux utilisateurs qui ont voulu se prémunir de la hausse attendue des cours en 2019. Le ralentissement de la collecte européenne et la contraction plus rapide que prévu des stocks d’intervention ont visiblement incité de nombreux utilisateurs à anticiper leurs achats dans la perspective d’un redressement fort des cours en 2019.

En septembre et octobre, les exportations européennes de poudre maigre ont bondi, respectivement de +22% /et +41% /2017, après avoir été globalement stationnaires auparavant. Ainsi sur 10 mois, elles ont progressé de 4% à 690 000 t. Les États-Unis enregistrent une croissance plus forte sur 10 mois (+25% /2018), mais occupent toujours la deuxième place avec 617 000 t.

Malgré la reprise de sa production laitière, la Nouvelle-Zélande a perdu sur terrain sur la scène internationale (260 000 t sur 10 mois et -14% /2017), tandis que l’Australie a maintenu ses postions (126 000 t sur 10 mois). En somme les échanges internationaux ont nettement progressé au 2nd semestre 2018 après avoir marqué le pas au 2ème trimestre 2018. Sur 10 mois, ils ont bondi de 8% (+145 000 t) en agrégeant les flux des dix principaux exportateurs.

Marché du beurre toujours moins ferme

Les cours du beurre poursuivent une trajectoire inverse à celle de la poudre maigre. En décembre, la cotation ATLA du beurre échangé sur le marché spot (contrat) a perdu 200 € en 4 semaines, à 4 300 €/t fin décembre. Sur la même période, la cotation ATLA du beurre facturé a décroché de 500 € à 4 600 €/t fin décembre.

Malgré des disponibilités européennes peu abondantes, les cours européens du beurre sont entrainés par la forte dépréciation du beurre échangé sur le marché mondial où les disponibilités sont redevenues abondantes. Le cours du beurre expédié d’Océanie a encore cédé 300 € d’un mois à l’autre, à 3 355 €/t en décembre. Dans les prochains mois, le prix du beurre au stade de gros dans l’UE devrait continuer de s’éroder, même si le cours mondial se stabilisait, car le différentiel (près de 1 000 €) entre les cours européen et océanien est exceptionnellement élevé.

Des disponibilités toujours peu abondantes dans les grands bassins laitiers

Les fabrications européennes de beurre sont demeurées stationnaires d’un automne à l’autre, malgré le net fléchissement de la collecte de l’UE-28. Elles ont aussi été stables aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande où le supplément de production a surtout été transformé en poudres grasses.

Après avoir été faiblement reconstitués au printemps, les stocks européens de beurre ont connu au 2nd semestre une baisse saisonnière moins prononcée qu’en 2017. D’une part, la consommation européenne a été affectée par la canicule et par la hausse des prix au détail. De l’autre, les exportations européennes ont été ralenties durant l’été faute de compétitivité face à l’agressivité de nouveaux fournisseurs. Au 4ème trimestre, les exportations européennes de beurre ont égalé le bas niveau de l’automne 2017, après avoir reflué de 10% durant les neuf mois précédents.

Des exportations de beurre relancées

La Nouvelle-Zélande a de son côté connu une hausse saisonnière normale (équivalente à celle de 2017) de ses exportations sur pays tiers, après un 1er semestre plutôt dynamique. Sur dix mois, elle a accru de 10% ses expéditions par rapport au bas niveau de 2017. Les États-Unis ont aussi fortement accru leurs expéditions (+70% /2017 à 44 000 t sur 10 mois), malgré des fabrications stationnaires, grâce à une hausse presqu’équivalente de leurs importations (+60% à 45 700 t), si bien que les stocks sont demeurés stables d’un automne à l’autre. Les exportations de l’Australie et de l’Argentine n’ont pas significativement varié. Ce sont finalement des fournisseurs secondaires : Ukraine (+20% à 22 500 t) Inde (x3 à 19 000 t), Uruguay 9 400 t) et Mexique (+42% à 7 400 t) qui ont fourni la plupart des 58 000 t supplémentaires échangés sur le marché mondial (+8% à 730 000 t sur dix mois).

Marché des fromages : évolution contrastée

En Allemagne, le cours de l’emmental, spécialité peu échangé hors d’UE, se maintient plutôt bien sous l’effet d’un bon ajustement de l’offre à la demande. En revanche, le cours du gouda (fromage commodité) s’est déprécié de 200 €/t en deux mois à 3 030 €/t. il est entrainé par le cours du cheddar océanien qui a reculé de 400 €/t en 4 mois à 2 844 €/t en décembre.

Les stocks européens de fromages se situaient fin 2018 à des niveaux plus élevés qu’en 2017, même s’ils ont connu une baisse saisonnière prononcée. Confrontés à une demande estivale européenne plutôt morose, les transformateurs ont stabilisé les fabrications fromagères au 4ème trimestre, après les avoir réduites en août et septembre sous le niveau de 2017 (respectivement -2% et -4% sous le niveau de 2017).

La demande européenne et internationale a semblé plus dynamique au 4ème trimestre. Les exportations européennes ont sursauté en octobre, après avoir marqué le pas au 3ème trimestre (-1% /2017) sur un marché mondial plutôt calme où les échanges internationaux ont stagné.

Les exportations océaniennes de fromages ont été ralenties au 2nd semestre, malgré le dynamisme de la collecte néozélandaise : elles ont reculé de 7% /2017 sur 10 mois. En revanche, les exportations australiennes et étatsuniennes ont légèrement progressé (+3% /2017 sur 10 mois). Seule la Biélorussie a fortement accru ses expéditions (+10% /2017) essentiellement vers son seul grand client qu’est la Russie. En somme les échanges internationaux de fromages ont faiblement progressé sur dix mois : au plus de +2% (+30 000 t).

Voir aussi le site de l’Observatoire laitier européen