Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 298 Février 2019

Lait de chèvre et viande

Des disponibilités tendues en fin d’année

Le ralentissement de la collecte de lait de chèvre en fin d’année, conjugué à la baisse drastique des importations, a poussé les transformateurs à mobiliser fortement les stocks de produits de report caprins. Ces derniers se retrouvent ainsi à un très bas niveau en fin d’année, qui pourrait annoncer des tensions pour fournir le marché début 2019.

Le prix du lait s’est bien maintenu toute l’année en France, à un niveau relativement élevé. Il n’a globalement varié qu’en fonction de l’évolution de la composition, en progression globale bien qu’impactée par les évènements climatiques estivaux. Néanmoins, la hausse des charges en élevage a très certainement rogné la marge des éleveurs français. En Espagne et aux Pays-Bas, le prix du lait a été beaucoup plus volatil, entre une tendance plutôt tendue au 1er semestre, qui s’est brutalement retournée après l’été.

 

Sommaire du numéro 298
Lait de chèvre et viande

Lait de chèvre et viande » Lait de chèvre »

Une fin d’année peu dynamique

Le ralentissement de la collecte de lait de chèvre s’est accentué en fin d’année, sans pour autant effacer intégralement la croissance accumulée en début d’année. Simultanément, les importations se sont effondrées, en lien avec la baisse des disponibilités espagnoles. Les transformateurs ont ainsi dû fortement mobiliser les stocks de produits de reports pour maintenir des fabrications de fromages pourtant peu dynamiques.

Fin d’année 2018 en dents-de-scie

La collecte de lait de chèvre a connu une fin d’année mouvementée dans l’Hexagone. Alors qu’elle progressait de 2 à 5% sur le 1er semestre 2018, sa croissance a été freinée par la sécheresse et les températures estivales. Ce ralentissement s’est accentué durant l’automne, d’autant que les fourrages récoltés au printemps sont peu abondants et de mauvaise qualité, aboutissant même en novembre au premier repli enregistré depuis juin 2017 (-0,7% /2017). La collecte s’est cependant redressée en décembre (+2% /2017), tendance qui, si elle se confirme, pourrait annoncer une évolution positive du cheptel caprin.

Le ralentissement de la collecte de lait de chèvre en fin d’année, période de « creux », n’a gommé que très partiellement la bonne dynamique connue en début d’année. En effet, à près de 480 millions de litres, elle a progressé de 2,6% par rapport à 2017, soit un peu plus de 12 millions de litres supplémentaires. L’année 2019 pourrait démarrer plus laborieusement en raison de la baisse attendue des rendements, en lien avec la médiocre qualité des fourrages de 2018, mais son évolution dépendra de la dynamique du cheptel.

Le repli des importations se poursuit

Simultanément, le repli des importations s’est poursuivi. Alors qu’elles avaient explosé au 1er semestre avec une progression de près de 12% par rapport au déjà très élevé niveau de 2017, elles ont chuté en cours d’été. Les flux ont baissé de 7% en août, de 16% en septembre et se sont finalement effondrés de près de 27% au dernier trimestre. Il faut dire que la collecte du principal fournisseur, l’Espagne, s’est très nettement orientée à la baisse après l’été. Elle a baissé de 1 à 2% depuis juillet et a même chuté de près de 7% en novembre. L’activation d’un plan de lutte contre la tuberculose en Andalousie a boosté les réformes, dans un contexte de prix du lait bas et de hausse du prix de l’alimentation, principal poste de dépense des élevages espagnols. Néanmoins, le rebond du prix du lait pourrait relancer la production espagnole en 2019. Malgré cette baisse de fin d’année, près de 120 millions de litres de lait de chèvre ont été importés en 2018, soit un repli de 2,6 millions de litres (-2% /2017) par rapport au record de 2017, toujours près de 14% au-dessus du précédent pic de 2008.

L’approvisionnement total des industriels reste haussier

Malgré le ralentissement de la collecte et la baisse des importations, l’approvisionnement des industriels est resté haussier sur l’année. A quasiment 600 millions de litres en 2018, il a progressé de près de 10 millions de litres (+2% /2017). La collecte nationale a pesé pour 80% de l’approvisionnement total, contre 20% pour les importations de produits de report.

Des fabrications de fromages plutôt molles, d’ultra-frais plus dynamiques

Les fabrications de fromages de chèvre ont été plutôt molles en 2018, avec une évolution en « dents-de-scie » tout au long de l’année. Au bilan, à 101 000 tonnes, elles ont progressé de moins de 700 tonnes d’une année sur l’autre (+0,7% /2017). Il faut dire que le marché français est resté atone : les achats des ménages en libre-service des GMS sont restés globalement stables (+0,2% /2017), dans un contexte de prix légèrement haussier (+1% /2017). Mais, alors que la demande à l’export soit en mesure de tirer le marché selon certains transformateurs, les fabrications ont souffert de la baisse des disponibilités en fin d’année. En revanche, les fabrications de produits ultra-frais ont poursuivi leur forte croissance, avec près de 15,5 millions de litres embouteillés (+3% /2017) et près de 11 700 tonnes de yaourts (+13% /2017). Elles ont absorbé 4,5% du lait transformé en France.

Des stocks de produits de report très sollicités

Dans ce contexte de baisse saisonnière de la collecte et de disponibilités limitantes chez nos voisins européens, les transformateurs ont dû fortement mobiliser les stocks de produits de report pour maintenir des fabrications certes peu dynamiques, mais toujours croissantes. Alors qu’ils avaient atteint un niveau élevé au 1er semestre (en hausse de près de 60% par rapport à 2017 en juin), les stocks de produits de report ont chuté au 2nd semestre : à 5 400 tonnes fin décembre, ils se situaient près de 18% sous le très bas niveau de 2017. Cette situation, conjuguée à une probable baisse de collecte française en début d’année et des disponibilités limitées chez nos voisins européens, laisse présager des tensions pour la fourniture du marché début d’année 2019.

Lait de chèvre et viande » Prix du lait de chèvre »

Evolution marginale en France

En 2018, le prix du lait de chèvre a plafonné en France, évoluant marginalement au gré des variations de la composition. Il est resté élevé au regard des prix pratiqués aux Pays-Bas et en Espagne, malgré une réduction de l’écart en fin d’année. Cependant la hausse des charges en élevage a probablement rogné la marge des éleveurs caprins.

Un prix de base remarquablement stable

Le prix de base du lait de chèvre (à la composition standard 35MG / 30MP en vigueur au 1er janvier 2015) a plafonné en 2018, à 653 €/1 000 litres, au même niveau qu’en 2017. Il a connu des évolutions marginales sur l’année : un repli de 2 euros au 1er trimestre, compensé par une hausse de 1 à 2 euros sur le reste de l’année, en lien avec l’ajustement ou l’adaptation de grilles spécifiques à certaines entreprises, notamment dans le Sud-Est.

Évolution hétérogène de la composition du lait

Après avoir subi une forte dégradation au 3ème trimestre, suites aux évènements climatiques estivaux, la composition du lait de chèvre a mieux évolué en fin d’année. Après avoir perdu 0,5 g/l au 3ème trimestre, le taux protéique a retrouvé son niveau de 2017 au 4ème trimestre, à 36,7 g/l. Le taux butyreux a pour sa part progressé de 0,2 g, à 41,9 g/l au dernier trimestre, gommant totalement les effets de la dégradation estivale. Cette évolution a cependant été très hétérogène avec une nette progression dans le Centre-Ouest (+0,5 g/l), compensée partiellement par une forte dégradation dans le Sud-Ouest (-0,7 g/l). Au final sur l’année 2018, le taux butyreux s’est établi à 38,7 g/l, en progression de 0,3 g/l. Le taux protéique s’est en revanche légèrement dégradé dans toutes les régions, de 0,1 g/l, à 34 g/l (moyenne nationale).

Une progression marginale du prix payé

Au 4ème trimestre, le prix du lait de chèvre payé aux producteurs a progressé de près 5 euros par rapport à 2017, à 835 €/1 000 litres (+0,6% /2017). Cette évolution est cohérente avec la tendance affichée depuis le début d l’année : alors que le prix de base semble avoir atteint un plafond, le prix payé aux producteurs a été directement impacté par l’évolution de la composition du lait. Sur l’année 2018, il n’a progressé que de 3 €, à 706 €/1 000 litres (+0,4% /2017). Le lait de chèvre a été mieux payé dans la région Centre où la part de lait AOP est la plus élevée, à 744 €/1 000 litres, contre 696 € pour le Centre-Ouest.

Les prix en Espagne et aux Pays-Bas à la hausse

Si le prix du lait de chèvre est resté relativement stable en France, les éleveurs espagnols et néerlandais ont subi davantage de volatilité. Au 1er semestre, alors que les disponibilités étaient abondantes, les prix n’ont cessé de baisser, avec une convergence entre le prix payé en Espagne à 6,7 €/kg de MSU (-3% /2017) et aux Pays-Bas, à 7,3 €/kg de MSU (-7% /2017). L’écart entre le prix espagnol et le prix néerlandais est ainsi passé de plus de 20% en janvier 2018, à moins de 10% en juin. Le ralentissement de la collecte espagnole au cours de l’été a incité les collecteurs espagnols à réviser rapidement le prix d’achat du lait de chèvre qui a bondi à partir de septembre, pour se positionner 10% au-dessus du niveau de 2017 en novembre, soit au même niveau que le prix néerlandais.

Une hausse des charges qui pénalise les résultats des éleveurs

L’année 2018 a été marquée par la hausse des charges en élevage. A l’indice 101,7 en moyenne sur l’année (base 100 = 2015), l’IPAMPA a bondi de près de 3% d’une année sur l’autre. L’alimentation achetée, principal poste de charge en élevage caprin (50% des charges indicées), a augmenté de 2,6% d’une année sur l’autre, mais c’est surtout le prix de l’énergie (6% des charges indicées), le plus volatil, qui a bondi de près de 12% d’une année sur l’autre, dans le sillage du cours du pétrole. Cette hausse des charges, dans un contexte de stabilité du prix du lait, a pénalisé les résultats des éleveurs caprins… d’autant que, face aux évènements climatiques, certains éleveurs ont dû acheter davantage de fourrages.

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