Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 363 Juillet/août 2024 Mise en ligne le 19/07/2024

Après une fin d’année 2023 un peu bousculée par la météo chez les principaux pays exportateurs, la production mondiale semble se redresser timidement dans le sillage de prix orientés à la hausse, d’ampleur modeste cependant. Les dynamiques restent parfois divergentes chez certains exportateurs en lien avec des difficultés intérieures, qu’elles soient d’ordre climatique ou politico-économiques. Et attention toutefois, 2024 étant une année bissextile, février comptait un jour de plus.

La production des cinq premiers exportateurs mondiaux affiche une hausse, en apparence seulement

En février 2024, la production des cinq premiers exportateurs mondiaux de produits laitiers (Argentine, Australie, Biélorussie, États-Unis, Nouvelle-Zélande et UE-27) apparaissait en hausse sur un an (+2,5% /2023). Mais cette hausse apparente est liée au fait que 2024 soit une année bissextile. Ramenée sur 28 jours, la production de ces pays était en fait en léger retrait (-1,0% /2023). Les dynamiques observées sont cependant divergentes : baisse constatée en Argentine, aux États-Unis et dans une moindre mesure en UE ou hausse comme en Australie.

En cumul sur deux mois, les exportations de produits laitiers de ces cinq exportateurs affichaient une hausse sensible. Ramenés en matière sèche utile (MSU), les niveaux d’envois de produits laitiers dépassaient ceux des deux années précédentes (+13% /2023, +9% /2022). En tonnes de produits et sur un an, les envois de poudre de lactosérum étaient stables quand ceux de poudre maigre progressaient très légèrement (+1% / janvier-février 2023). Les envois de beurre et butter-oil affichaient une progression sensible (+3%) mais plus limitée que pour les fromages (+9%) et surtout les poudres grasses (x2,5).

Amplification du décrochage de la collecte en Argentine en début d’année

En Argentine, la production et la collecte de lait de vache avaient décroché au 2nd semestre 2023. Et le recul s’est amplifié depuis le début de 2024. Ainsi, sur un an, la collecte laitière était en retrait marqué en janvier (-13% /2023), comme en février dernier (-15%). Février 2024 est d’ailleurs la valeur la plus basse des 5 dernières années pour un mois de février. Et ramenée sur 28 jours, la baisse de février serait même de l’ordre de -18%.

Selon OCLA, la baisse observée est en partie liée à des indices de température et d’humidité élevés enregistrés dans la plupart des régions productrices du pays. Depuis le début de l’année, cette situation n’a pas affecté la qualité du lait produit avec notamment le maintien du taux de MSU.

Autre facteur explicatif au recul de la production, l’élection à la Présidence de la République argentine de Javier Milei. Sa prise de fonction le 10 décembre 2023 a entraîné un changement considérable du contexte politico-économique du pays avec notamment la forte dévaluation de la monnaie fin 2023 et tout un ensemble de mesures de dérégulation.

Après une remontée en novembre et décembre 2023, les prix du lait en euro se sont très nettement repliés début 2024 avec la très forte dévaluation du peso argentin qui perdu plus de la moitié de sa valeur en fin d’année. Les prix à la production en euros du lait argentin sont ainsi parmi les plus faibles dans le monde depuis le début de l’année.

Les éleveurs argentins se retrouvent aujourd’hui dans une situation ambigüe. Les charges demeurent importantes dans un pays où l’inflation systémique pèse sur des éleveurs qui doivent s’approvisionner à l’import pour certains intrants avec une monnaie nationale toujours plus faible. Mais avec la baisse des prix, la compétitivité export des produits argentins est forte alors que la suspension des taxes à l’export (ou retenciones) de produits laitiers a été prolongée début 2024 pour au moins 6 mois.

Une production toujours limitée aux États-Unis

Aux États-Unis, la production laitière au mois de février apparaissait en hausse (+2,2% /2023). Mais cette progression est en fait un artefact lié au caractère bissextile de l’année 2024. Ramené sur 28 jours, elle serait plutôt en retrait (-1,3% /2023), du même ordre qu’en janvier dernier. Malgré une légère progression du rendement par vache par rapport à l’an passé (+3%), ce repli est principalement lié à la diminution du cheptel laitier (-1% /2023).

Les prix du lait à la production ont pourtant globalement augmenté depuis début 2024 alors que les prix de l’aliment sont en baisse depuis plusieurs mois. Ainsi, l’indicateur de marge poursuit son amélioration, mais sans réel effet pour le moment sur la production.

D’après l’UDSA, la reprise printanière de la production pourrait cependant changer la donne, à moins que l’influenza aviaire dite « hautement pathogènes » (IAHP), détectée dans des élevages laitiers de huit états différents dans tout le pays, ne vienne jouer des tours aux producteurs. En effet, alors que le virus est principalement mortel pour les volailles, des inquiétudes subsistent quant aux effets potentiels chez les bovins, notamment chez les vaches laitières.

En attendant d’y voir plus clair, la demande en produits laitiers étasuniens a été jusqu’ici plutôt bonne, notamment à l’export. Les flux ramenés en MSU étaient ainsi en hausse sur un an en février (+13% /2023), évolution amplifiée par l’effet « année bissextile ». Cette progression était liée notamment à la bonne performance des expéditions de fromages (+22% /janvier-février 2023), en lien avec la bonne compétitivité prix des produits originaires des États-Unis.

Redressement de la production en Nouvelle-Zélande

En février 2024, la décroissance saisonnière de la production néozélandaise a été moins marquée que lors des campagnes précédentes. La production était en hausse apparente de +5,5% /février 2023, mais seulement de +1,9% en ramenant février 2024 à 28 jours. Depuis le début de l’année, la progression de la production reste modeste, inférieure aux niveaux de 2021 (-4%) ou 2020 (-2%).

Depuis la dégradation de la météo entamée au mois de décembre dernier, les conditions liées à la disponibilité en eau restent fragiles. Dans l’ile du Sud, les conditions restent sèches notamment dans le Canterbury. Dans l’île du Nord, des conditions climatiques plus extrêmes ont entraîné un état de sécheresse, notamment au nord de l’île. Mais la fin de l’été austral pourrait changer la donne. L’organisme météorologique néozélandais NIWA a récemment révisé ses prévisions rappelant l’influence continue d’El Niño mais également son caractère décroissant. Les conséquences possibles sur la production laitière pourraient être moins fortes que prévues.

Les exportations néo-zélandaises ramenées en MSU se sont redressées sur les deux premiers mois de 2024 (+31% /2023, +25% /2022 et +9% /2021), hausse légèrement amplifiée par le caractère bissextile de 2024. Tous les produits étaient concernés par la hausse à l’exception des fromages (-4% /2023).

Enfin, devant les perspectives jugées plus porteuses sur le marché mondial (notamment vers le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est), le groupe Fonterra a annoncé relever ses prix payés aux producteurs en février dernier.

Poursuite du rebond de la production en Australie

En Australie, pour le 10ème mois consécutif, la production de lait était en hausse sur un an en février (+9% / février 2023). Ramenée sur 28 jours, la progression est cependant un peu plus limitée (+5%). Cette amélioration certes modeste mais continue de la production laitière australienne est notamment liée à des prix à la production incitatifs et à des conditions météorologiques meilleures que prévues durant l’été austral (bien que toujours hétérogènes) en particulier par rapport à la saison dernière.

Avec la reprise de la production, les exportations australiennes de produits laitiers ramenées en MSU étaient en hausse sur an, en janvier (+10% /2023) comme en février (+38%, taux légèrement amplifié par le caractère bissextile de 2024). Cependant, les niveaux de production et d’exportation avaient été fortement affectés par des conditions climatiques défavorables lors des précédentes campagnes laitières.

D’après Dairy Australia, la production domestique est désormais attendue en hausse modeste sur la campagne laitière juillet 2023 – juin 2024 (+1% / 2022-2023).