De Nouvelle-Zélande aux États-Unis, en passant par l’UE-27 et l’Australie, la collecte de lait baisse d’une année sur l’autre dans presque tous les bassins excédentaires. Malgré des prix du lait historiquement élevés et haussiers, les éleveurs ne se sentent pas en confiance pour investir dans les moyens de production face à des prix des intrants qui augmentent fortement. De plus, les conditions climatiques ne sont actuellement pas favorables non plus à la pousse de l’herbe dans l’hémisphère Nord, en premier lieu en Europe. L’Océanie rentre de son côté dans la période de creux saisonnier de production avec l’arrivée de l’hiver durant laquelle presque tous les troupeaux sont taris. Tout concorde donc pour une baisse des disponibilités chez les principaux pays exportateurs.
Moindres fabrications, mais hausse des exports dans l’UE
Dans l’UE, les fabrications de beurre décrochent chez les principaux pays producteurs d’une part face à des collectes laitières en repli, mais également au profit des fabrications de crème pour laquelle la demande européenne et internationale reste soutenue. Ainsi, dans l’UE-27 comme en Allemagne, les fabrications ont baissé de -4% sur la période de janvier à avril /2021 tandis que celles de crème augmentaient de +3% sur la même période.
La météo actuelle est source d’inquiétude pour la production. Les températures élevées sont peu compatibles avec la production de lait et de fourrages. De plus les fortes chaleurs, très précoces cette année, risquent d’accentuer la baisse saisonnière de la production laitière amorcée en juin, et ainsi accentuer la baisse des fabrications de beurre, traditionnellement faibles durant l’été.
Les exportations européennes de beurre ont repris sur janvier-mars /2021 par rapport au décrochage de l’an passé (+8% /2021), mais ne retrouvent pas pour autant les niveaux de 2020. Cette hausse est permise principalement grâce à des échanges de nouveau conséquents au 1er trimestre avec le Royaume-Uni (+84% /2021). De même, les échanges intra-européens remontent. En France, les exportations vers les pays tiers ont progressé de +21% sur la même période grâce à une hausse vers le Royaume-Uni (+30%), vers les États-Unis (+66%), vers l’Arabie Saoudite (+22%) ou encore la Corée du Sud (+63%). Ces marchés compenseront peut-être la moindre demande chinoise dans les mois à venir (-6% d’importations de beurre français sur les 3 premiers mois /2021).
Dans le même temps, les importations européennes de beurre et matière grasse anhydre ont baissé de près de -7% à 11 000 t toujours sur la période janv-mars /2021 avec des envois en repli depuis le Royaume Uni (-3%) et depuis la Nouvelle-Zélande (-12%).
La baisse des disponibilités combinée à la hausse des exports assèche le marché intérieur et conduit les prix à fortement augmenter. En France, le prix du beurre sur le marché spot est proche de 7 800 €/t en semaine selon la cotation 23 ATLA. Les échanges à ce prix sont néanmoins réduits, les opérateurs ayant fait des couvertures en amont. Dans ce contexte, le prix moyen des facturations est bien moindre : il reste pour le moment à 6 500 €/t en semaine 23.
Moindre présence de la Nouvelle-Zélande sur le marché international
En Nouvelle-Zélande, la collecte de lait se replie et est attendue en baisse de -4% sur la campagne 2021/22. Dans ce contexte, à moins d’un fort changement dans le mix produit, les fabrications de beurre devraient être ralenties. Pour 2022, l’USDA table néanmoins sur une hausse de +10 000 t / 2021 à 480 000 t (estimations de mai 2022) car les prix de la poudre maigre et du beurre sont attractifs face à des débouchés plus incertains en poudres grasses.
L’an dernier, la production de beurre a aussi été limitée par la forte demande de la Chine en crème. Face à un recul des exportations de crème UHT vers l’Empire du Milieu de janvier à avril (-2,5% /2021), les fabrications seront peut-être modifiées cette année.
Les exportations de beurre vers la Chine ne semblent pas encore impactées par la gestion zéro covid-19. Après avoir progressé de janvier à avril (+5% /2021), elles auraient toutefois fortement baissé en mai. Par ailleurs, les exportations se replient vers l’Australie (-18% /2021), les Philippines (-22%) ou encore le Vietnam (-37%). Au global, les exportations néozélandaises ont légèrement reculé au 1erquadrimestre, de -1,3% /2021.
Les prix du beurre départ Océanie ont reculé en mai, à 5 860 €/t (-7% /avril mais +40% /2021), mais ont rebondi début juin, de +5,6% à 6 068 $/t ( 5 770 €/t) lors de l’enchère du Global Dairy Trade de mardi 7 juin face à un retour de la demande. Si un retour de la Chine parait anticipé, il pourrait provenir d’autres pays d’Asie.
Fort recul des stocks aux États-Unis
Au mois d’avril, la collecte de lait aux États-Unis ressort en repli de -1 % par rapport 2021. Ce chiffre a surpris les opérateurs qui s’attendaient à une stabilité. Si les transformateurs de fromages ne manquent pas de lait pour répondre à la demande intérieure dynamique, en revanche les fabricants de poudre maigre et de beurre ont ralenti leurs activités. Dans ce contexte, la production de beurre au mois d’avril a chuté de -1% par rapport au même mois en 2021 et de -4% en cumul sur les quatre premiers mois tandis que les volumes décroissent aussi de façon saisonnière.
Malgré la baisse des fabrications de beurre (-15 000 t au 1er quadrimestre), les exportations, certes faibles, ont bondi de +9 000 t (soit +50% /2021), surtout vers le Mexique et le Canada. Les importations n’ont augmenté que de +2 000 t (en provenance d’Irlande, de Nouvelle-Zélande, d’Inde et de France). Dans le même temps, la consommation intérieure a reculé de -24 000 t, soit -4% /2021. Malgré ce tassement, les stocks ont sensiblement fondu, de -41 000 t (-23% /2021), à 136 000 000 t fin avril. Cela n’empêche pas les acheteurs de s’interroger sur les disponibilités et de renforcer leurs couvertures pour les mois à venir. Les prix ont fortement augmenté depuis la mi-mai et se rapprochent des 3 $/pound (environ 6,36 €/kg), un prix au plus haut depuis 2015.
Plus forte présence aux exports de l’Inde
Le premier pays producteur mondial de beurre est l’Inde. Selon l’USDA pour 2022, la production indienne est attendue en hausse de +3%/2021 à 6,5 Mt (pour une production mondiale de 11,56 Mt estimée en 2022). Selon le CLAL, les exports auraient fortement augmenté sur la période janvier-mars /2021, principalement vers le Moyen Orient (x5,5 à 19 000 t soit un volume déjà proche du volume annuel de 2021). Toutefois, les exportations demeurent modiques par rapport à la consommation locale.
Du côté de la demande :
La poursuite de la hausse des prix, à l’image du rebond lors de la dernière enchère sur la plateforme Global Dairy Trade se fera en fonction de la demande mondiale. Plusieurs questions viennent alors : l’inflation limitera-t-elle la demande tant mondiale qu’intérieure ? Les acheteurs ont-ils suffisamment couvert leurs besoins par des contrats ?
Pour commencer par le premier d’entre eux : la Chine. Si la Nouvelle-Zélande semble avoir maintenu le rythme de ses expéditions beurre vers l’empire du Milieu de janvier à avril (+5% /2021), les exportateurs se montreront prudents avant de renvoyer des containers frigorifiques de beurre congelé dans un contexte de logistique perturbée. Néanmoins, la consommation devrait reprendre sans nouveau confinement. Le trou d’air pourrait s’estomper à partir du mois de septembre, en même temps que le pic laitier de la production. Toutefois, dans l’intervalle, d’autres pays d’Asie pourraient revenir aux achats : les Philippines, la Malaisie, ou encore le Vietnam ont moins importés depuis le début d’année.
Les importations russes de beurre diminuent de manière évidente depuis les sanctions imposées par les pays de l’Alliance. La Biélorussie continue d’approvisionner son principal client (75 500 t en 2021), mais la Nouvelle-Zélande, deuxième fournisseur, a stoppé ses expéditions (18 000 t en 2021).
Dans le même temps, le Canada et le Mexique reviennent fortement aux achats. La hausse de 50% des importations de beurre sur 4 mois pourrait découler de la mise à jour des quotas d’importation en février dernier. En effet, le Canada a dû revoir la manière dont les quotas étaient distribués afin d’être davantage accessibles à d’autres opérateurs que les transformateurs canadiens.
En conclusion, face à des disponibilités réduites dans l’UE-27, les cours du beurre devraient demeurer élevés. La hausse des prix au détail pourrait conduire à une baisse de la demande en beurre plaquette dans certains pays.