Dans un contexte économique et climatique peu propice à la production laitière, la collecte française a nettement décroché au 1er trimestre (-2,5% /2020). La filière lait biologique connaît en revanche une situation à contre-courant, avec un appel des laiteries à modérer les livraisons ce printemps, voire même sur l’ensemble de l’année.
La collecte française à la peine sur le 1er trimestre
Après son recul très marqué de janvier (-3,4% /2020), la collecte française peine à se rétablir. Elle a enregistré un nouveau recul sur février (-2,6%) et les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer font état d’une baisse d’environ -1,5% sur mars. Au total sur le 1er trimestre, la collecte devrait s’établir à environ, 6,26 millions de tonnes, en repli de 2,5% d’une année sur l’autre (effet bissextile neutralisé). Soit son plus bas niveau depuis 2013.
Les raisons de cette baisse sont nombreuses avec en premier lieu une baisse tendancielle rapide du cheptel national de vaches laitières à -2% au 1er mars, après un pic à -2,2% au 1er janvier 2021. De 2015 (début de la baisse) à fin 2019, ces replis demeuraient inférieurs à -1%, avant de s’aggraver tout au long de l’année 2020. A un peu moins de 3,54 millions de vaches début mars, le cheptel est même à un nouveau point bas historique, sous son niveau du mois d’août 2020 qui avait constitué le creux avant la remontée saisonnière de l’automne.
En second lieu, le contexte économique se révèle peu incitatif pour les éleveurs, avec une envolée des coûts de production, notamment de l’aliment, illustrée par la hausse de l’indice général Ipampa qui enchaine les records depuis la fin 2020. En février, il se situe à 109,5 (base 100 = 2015), soit près de 5 points de plus qu’un an auparavant (et 4 de plus qu’en novembre), et l’indice spécifique à l’alimentation achetée s’établit à l’indice 113,2 (contre 100,1 un an plus tôt), talonnant désormais ses niveaux records de fin 2012.
Cette hausse des coûts de production n’a pas encore été répercutée sur les prix d’achat du lait, alors que les opérateurs évoquent par ailleurs des négociations commerciales âpres avec la distribution. En février, le prix du lait standard (38/32, SIQO compris) affichait ainsi 349 €/1 000 litres, 1 € de mieux que le mois précédent, mais 3 € de moins que l’année précédente. Pour le lait conventionnel standard, le recul approchait 7 €, à 328 € /1 000 l.
D’après l’observatoire de l’Eleveur Laitier, sur le 1er trimestre, la baisse du prix du lait d’une année sur l’autre s’établirait entre -3 et -11 € /1 000 l selon les principales laiteries.
L’indicateur de marge laitière dit MILC (obtenu par différence entre les valeurs du panier de produits et celles du panier de charge et exprimée en €/1 000 l) indique quant à lui un recul de près de 20 € d’une année sur l’autre en février, à 83 €/1 000 l, imputable pour 2/3 à la hausse des charges et pour 1/3 à la baisse du prix du lait. Sur 12 mois glissants, la MILC affiche 95,5 €/1 000 l, soit 7 € sous son niveau de l’année antérieure à pareille période, et 8 € sous son pic atteint en mars 2020, avant qu’elle n’entame son infléchissement à la baisse.
A contre-courant, la filière lait bio veut gérer l’afflux de lait
Un an après avoir passé le cap symbolique du milliard de litres sur 12 mois glissants, la filière lait biologique poursuit son évolution quelque peu à contre-courant de la filière laitière dans son ensemble, avec une progression de +6,5% d’une année sur l’autre en janvier, puis de +10% en février (effet bissextile neutralisé). Si un certain tassement semble s’opérer en comparaison des croissances des années précédentes (+17% et +19% sur les deux premiers mois 2020 /2019), la tendance reste nettement croissante et la filière doit même composer avec des volumes de lait qu’elle peine à valoriser. Les ventes de produits laitiers biologiques ne sont plus aussi dynamiques depuis quelques mois, si bien qu’elles progressent moins vite que la production. Les fabrications ont dû faire l’objet de réajustement parfois à la baisse pour certains produits, et le taux de déclassement aurait augmenté. Pour autant, les prix payés aux producteurs ne semblent pas être trop impactés à ce jour avec un prix comparable à celui de l’année passée sur janvier et février d’après l’enquête mensuelle de FranceAgriMer (477 € puis 473 €/1 000 l au standard 38/32), et sans doute un enjeu de préservation de ces volumes acquis au cours de la vague de conversion pour les années à venir.
L’année 2021 devrait connaitre une croissance modérée de la collecte au regard de l’année écoulée, sans doute de l’ordre de +6 à +8 %. Les arrivées de nouveaux livreurs devraient en effet se tasser alors que la vague de conversion initiée en 2015/2016 et l’arrivée sur le marché de ces nouveaux producteurs depuis fin 2017 touche à sa fin. D’autre part, les livreurs déjà en place sont pour beaucoup incités à modérer leurs livraisons par leur laiterie. Ces incitations à la modération se font en contrepartie d’une garantie de maintien des prix à leurs niveaux de l’année passée, s’accompagnent de soutiens financiers aux producteurs par certaines laiteries, voire l’annonce du paiement des dépassements au prix du lait conventionnel par d’autres collecteurs.
L’enjeu de la régulation des volumes existe de longue date pour la filière lait biologique sur la période printanière (28% de la collecte annuelle est réalisée sur le 2ème trimestre sur une année normale, contre seulement 26% en lait conventionnel), avec une grille de prix en conséquence qui présente une forte amplitude entre ces mois d’excédents et ceux plus tendus de fin d’été (de l’ordre de 80 voire 90 € entre le creux d’avril et le pic de septembre/octobre). Dans le contexte de déséquilibre entre une croissance toujours vive de la collecte et plus modérée de la consommation, la volonté des laiteries de maîtriser les volumes semble s’élargir à une période plus ample cette année, dans l’espoir d’un rétablissement de la forte dynamique de la demande de produits laitiers bio.