Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 367 Décembre 2024 Mise en ligne le 20/12/2024

La Nouvelle-Zélande a signé un accord de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne le 9 juillet 2023 à Bruxelles. Après ratification par les deux parties, cet accord est entré en vigueur le 1er mai dernier. Il a pour but d’augmenter le commerce entre les deux zones. Les échanges de marchandises sont déjà importants : ils se sont élevés à près de 9,1 milliards d’euros en 2022. La mise en œuvre de cet accord va progressivement augmenter les concessions faites par l’UE à la Nouvelle-Zélande sur les produits laitiers et sur d’autres produits sensibles.

Les concessions obtenues par la Nouvelle-Zélande

L’accord commercial entré en vigueur le 1er mai 2024 entraîne l’élimination immédiate des droits de douane pour 94% des lignes tarifaires de l’Union européenne. De nombreux autres produits verront leurs droits supprimés en 3, 5 ou 7 ans comme le miel en 3 ans, la caséine en 5 ans ou encore le lait infantile en 7 ans. Ainsi, après sept années d’application, le niveau de libéralisation total passera à 98,5% des lignes tarifaires. Les 1,5% de lignes tarifaires restantes concernent les produits sensibles pour lesquels des contingents sont créés. C’est notamment le cas pour la viande ovine, la viande bovine, les produits laitiers autres que la caséine et le lait infantile, le maïs doux ou encore l’éthanol.

Fait notable, la Commission européenne avait fait, dans la dernière ligne droite des négociations, des concessions supplémentaires sur les produits laitiers et la viande bovine :

  • Pour les produits laitiers, des concessions supplémentaires ont été faites sur le beurre (volume augmenté à 15 000 tonnes et suppression des droits de douanes pour les contingents OMC), les fromages (passage à 25 000 tonnes et suppression des droits de douanes pour les contingents OMC) et les poudres (passage à 15 000 tonnes). Aucune concession supplémentaire n’avait été faite cependant pour le lactosérum.
  • En viande bovine, la première offre européenne incluait un contingent de 3 000 tonnes avec un droit intra-contingentaire (au sein du contingent) de 7,5%. C’est finalement un contingent de 10 000 tonnes avec un droit de douane de 7,5% qui a été concédé. A l’instar des produits laitiers, ce contingent sera progressivement mis en œuvre en 7 ans. Et le droit de douane du contingent Hilton sera réduit de 20% à 7,5% dès l’entrée en vigueur de l’accord.

La Nouvelle-Zélande bénéficiait déjà d’un accès préférentiel au marché de l’UE pour le beurre et les fromages via des contingents tarifaires à droit de douane réduits issus des négociations de l’OMC. Ces contingents représentent annuellement plus de 47 000 tonnes de beurre et 6 000 tonnes de fromages (essentiellement du cheddar pour la transformation). Depuis le 1er mai, quatre nouveaux contingents à droit de douane réduit ou nul sont ouverts pour le reste de 2024. Les volumes ont été déterminés au prorata temporis : un peu plus de 58% des volumes prévus pour l’année de mise en œuvre de l’accord seront ouverts en 2024 (pour 7 mois sur 12).

L’accord prévoit ensuite une progression des volumes et une réduction des droits de douane intra-contingentaires sur une période de 7 ans : les contingents seront pleinement opérationnels (volume et droit de douane) à partir de 2031.

Gestion des contingents : Fonterra se taille la part du lion

A l’instar des contingents OMC de l’UE à destination de la Nouvelle-Zélande, l’accès aux nouveaux contingents issus de la mise en œuvre de l’ALE sera géré par un système d’attribution de licences piloté par le pays exportateur. Comme défini dans le Dairy Industry Restructuring Act de 2001, ces licences sont attribuées par entreprise en fonction des flux historiques. Pour l’ensemble des contingents ouverts par l’UE aux produits laitiers néo-zélandais, un taux uniforme est appliqué quel que soit le produit. Seule exception, les entreprises Tatua Cooperative Dairy Company Limited et Miraka Limited n’ont pas accès au contingent de concentrés protéiques et lactosérum en 2024 : les flux originaires de ces deux entreprises ayant été inférieurs à 20 tonnes en 2023.

Sans surprise, c’est le groupe Fonterra Cooperative Group Limited, numéro un des produits laitiers en Nouvelle-Zélande, qui se voit octroyer une large majorité des contingents (entre 84 et 85% des volumes), loin devant Open Country Dairy Limited (9 ou 10%) et Synlait Milk Limited (5%). Tatua et Miraka n’ont accès qu’à 1% des volumes ouverts pour les poudres, le beurre et les fromages.

Jusqu’ici, la Nouvelle-Zélande est très loin de profiter de l’intégralité de ses contingents

Si les contingents sont pré-attribués, cela ne veut pas dire pour autant que la Nouvelle-Zélande les remplit. Les exportations néo-zélandaises de poudres, beurre et fromages n’ont jamais atteint la totalité des contingents ouverts par l’UE. En moyenne sur 2021 à 2023, les exportations néo-zélandaises de fromages à destination de l’UE ont été quasi nulles et celles de beurre ont atteint 12 000 tonnes par an, avec une forte variabilité néanmoins. Sur les premiers mois de 2024, les exportations de fromages étaient toujours nulles quand celles de beurre approchaient les 5 000 tonnes (+31% /2023), avec une grande variabilité. En effet, les droits de douane intra-contingentaire restent relativement dissuasifs pour la Nouvelle-Zélande et le pays océanien exporte plutôt vers la Chine et l’Asie, le Moyen-Orient, l’Amérique du Nord ou encore l’Australie.

L’entrée en vigueur de nouveaux contingents via la mise en œuvre de l’ALE UE/Nouvelle Zélande au 1er mai 2024 ne devrait pas changer la donne à court terme. En effet, en début d’application de la période transitoire de 7 ans, les nouveaux contingents de beurre et de poudres resteront taxés de droits de douane élevés. Et les volumes ouverts à droit nul pour les fromages et le lactosérum resteront faibles. La donne pourrait changer en fin de période transitoire avec des volumes et/ou des droits de douanes plus intéressants alors que les productions océaniennes restent compétitives. Affaire à suivre…