Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 367 Décembre 2024 Mise en ligne le 20/12/2024

Évoluant sur un périmètre essentiellement national et reposant pour une part très importante sur les achats des ménages, la filière laitière biologique a vu sa consommation boostée avec le confinement lié à la crise sanitaire. La crise sanitaire coïncide cependant avec une période printanière où la filière se trouve souvent à gérer des excédents, ce qui la perturbe quelque peu. Moins soumise aux aléas de l’export et à la fermeture de la restauration commerciale que la filière conventionnelle ou les filières laitières AOP, la filière bio apparait cependant  relativement épargnée.

Une collecte toujours dynamique

La collecte de lait de vache biologique reste très dynamique depuis le début d’année. Elle a ainsi entamé la période printanière, celle du pic de collecte saisonnier, sur des bases élevées. Sur le 1er trimestre, elle a ainsi atteint 265 Ml, en progression de près de 35 Ml par rapport à l’an passé (+15% /2019), dépassant ainsi  le milliard de litres sur 12 mois glissants.

Cette croissance provient de l’arrivée d’élevages bio supplémentaires, portés à 3 650 livreurs en mars (+150 d’une année sur l’autre), mais aussi d’une dynamique forte chez les exploitations qui livraient déjà l’an passé.

Dans ce contexte d’afflux massif de lait, Biolait, le premier collecteur de lait biologique a activé un dispositif de régulation des volumes auprès de ses fermes adhérentes pour la 2ème année consécutive, une décision qui était déjà entérinée avant même l’arrivée de la crise du Covid-19. Ce dispositif est opérationnel pour l’ensemble du 2ème trimestre, période durant laquelle le taux de déclassement est habituellement le plus élevé. D’autres laiteries ont également relayé des messages visant à modérer au mieux ce pic printanier, soit en relayant le message global du CNIEL adressé à l’ensemble de la filière laitière, soit en adoptant une communication plus spécifique à l’attention de leurs producteurs bio.

Un prix du lait d’hiver plus élevé

Dans la suite des prix élevés connus par la filière fin 2019, les prix de ce début d’année restent élevés. Sur le 1er trimestre, le prix réel moyen payé aux livreurs s’est établi à un peu plus de 490 €/1 000 l,  soit +4 € d’une année sur l’autre. Une hausse essentiellement imputable à la hausse du prix de base de plus de 6 €, à 477 €/1 000 litres.

A l’amorce de la baisse saisonnière, les prix devraient chuter aux environs de 420 € à 430 €/1 000 litres, soit des niveaux similaires à ceux de l’an passé voire légèrement plus bas, essentiellement du fait d’un taux de déclassement assez élevé sur la période. Ce taux de déclassement serait toutefois légèrement plus élevé que les années précédentes selon les opérateurs interrogés, du fait des difficultés logistiques liées à la crise sanitaire et avec un afflux de lait supplémentaire toujours conséquent.

Une consommation boostée par la crise sanitaire

Reposant essentiellement sur les achats des ménages, les produits laitiers biologiques ont bénéficié de la période de confinement et de fermeture de la restauration commerciale. Pour autant, cet engouement est peu visible sur les données Kantar s’arrêtant au mois de mars en comparaison de celui observé sur le segment des laits liquides dans leur ensemble.

Alors que sur les derniers mois, le lait biologique connaissait une croissance de ses ventes qui contrastait avec un segment globalement en recul, la croissance de +22% connue sur mars 2020 en comparaison de mars 2019 apparait somme toute assez modérée. Sur la période avril 2019 à mars 2020, avec une croissance des tonnages vendus de plus de 10 % contre +1,3 % pour les laits conventionnels, le lait biologique poursuit sa dynamique et reste le moteur de ce segment, un constat qui est valable sur l’ensemble des produits laitiers suivis.

Ailleurs en Europe : le Covid-19, entre booster et trouble-fête

Même si les comportements des consommateurs sont relativement proches d’un pays à l’autre avec des achats des ménages massifs en lien avec des mesures de confinement plus ou moins strictes, les opérateurs des filières laitières biologiques des principaux pays européens connaissent des fortunes diverses. Pour certains d’entre eux, qui reposent de façon importante sur les débouchés exports ou la RHD, la situation se tend et occasionne parfois des baisses des prix aux producteurs conséquentes.

En Allemagne, la collecte est demeurée modérément dynamique au 1er trimestre (+5% /2019). Comme en France, le confinement  a boosté les ventes de laits liquides conditionnés, dont celles de lait biologique. Ses ventes se sont en effet accrues de +25% sur le mois de mars par rapport à l’an passé, le plus haut niveau de croissance connu ces 3 dernières années. En Bavière, Land qui pèse à lui seul pour près d’un litre de lait bio sur deux outre-Rhin, certains opérateurs annoncent d’ores et déjà des besoins de lait biologique supérieurs dans les années à venir, et donc des besoins de conversions. Les situations d’un opérateur à l’autre restent cependant disparates selon la dépendance aux débouchés exports et à la restauration hors domicile.

La situation est plus ou moins la même en Autriche et au Danemark, les deux autres grands pays producteurs de lait biologique. Le lait biologique y est relativement bien développé et pèse respectivement pour 18% et 12% de leur collecte laitière. Ces pays se trouvent de fait avec une offre bio relativement abondante et une partie trouve des débouchés à l’export (notamment vers l’Allemagne) et vers la RHD.

Ayant déjà connu des baisses de prix en 2018 puis 2019 alors que la collecte allemande se développait, se substituant au fur à mesure aux imports, la situation se serait légèrement tendue avec la crise sanitaire. La coopérative Arla, 1er opérateur mondial en lait biologique, aurait ainsi annoncé un léger recul du prix payé aux producteurs, et d’autres petites laiteries seraient également concernées.

Aux Pays-Bas, où la collecte biologique est peu développée (2% de la collecte totale), le marché des produits bio bénéficie d’une forte croissante des achats des ménages ; l’essentiel du lait bio étant destiné au marché intérieur. Pour autant, la coopérative Friesland Campina a baissé le prix directeur sur les mois d’avril et de mai, à moins de 450 €/t (standard 44,1 MG / 34,7 MP et 45,1 de lactose), soit une baisse de 35 €/t d’un printemps à l’autre (-7%).

Le groupement de collecte Eko Holland aurait lui appelé ses adhérents à modération leurs livraisons, soit à ne pas dépasser leur production de l’année passée sur la période printanière.