Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 305 Octobre 2019
Viande ovine
Le cours de l’agneau subit un marché national encombré
Après avoir réalisé une remontée conséquente entre juillet et fin septembre, le cours de l’agneau semble se stabiliser début octobre en-deçà du niveau des années précédentes. Le marché français subit la pression des importations britanniques bon marché à l’approche du Brexit.
Après avoir bénéficié de deux mois d’été relativement fluides, le marché de l’agneau français subit à nouveau les envois britanniques, qui provoquent début octobre une stagnation des cours sous leurs niveaux des années précédentes.
Abattages dynamiques en août
À 342 300 têtes en août, les abattages français d’agneaux ont été plus élevés que l’an dernier (+2% /2018). Le poids de carcasse moyen des agneaux a aussi progressé de +2 % (à 19,2 kg), tandis que celui des ovins adultes a régressé, à 25,9 kg en moyenne. Au total, la production mensuelle de viande ovine a augmenté de +3 % /2018, à 8 100 téc, répondant à une consommation française dynamique. D’après le panel Kantar, les achats des ménages français (en distribution, hors RHD et viande ovine présente dans les plats élaborés) ont été en hausse de 3 % /2018. Si on regarde la consommation par bilan, qui illustre le disponible total en viande ovine pour la consommation des français, la tendance est également haussière depuis le début de l’année 2019 : +1,2 % sur 8 mois, comparé à la même période en 2018.
En cumul de janvier à août 2019, la production française d’ovins (agneaux et réformes) reste stable d’une année sur l’autre. La production d’agneaux finis est en légère hausse (+1 %, soit +18 700 têtes), tandis que les abattages d’ovins de réforme reculent (-2 % soit -8 000 têtes).
La baisse des importations de viande ovine se poursuit en août
Les importations françaises de viande ovine ont de nouveau baissé au mois d’août, à hauteur de -4%, à 8 300 téc, face à une production française en hausse. Les achats ont en revanche repris en provenance du Royaume-Uni (+ 7%) et d’Irlande (+17 %), mais restent ralentis en provenance de Nouvelle-Zélande (-29 %) et d’Espagne (-14 %). De janvier à août, les importations françaises de viande ovine sont en légère hausse (+0,7% /2018).
En septembre, les importations de viande ovine britannique auraient fortement augmenté, à l’approche du Brexit. L’encombrement du marché français par de la viande ovine britannique, potentiellement privilégiée par les distributeurs français pour son moindre prix, expliquerait le peu de demande (de nombreux invendus constatés sur les marchés aux bestiaux) en cette période de creux saisonnier, habituellement caractérisée par un manque d’offre…
Des échanges d’agneaux vifs en hausse au mois d’août
Les importations d’agneaux vifs ont bondi en août, face à une demande particulièrement dynamique (sorties estivales des français et festivités religieuses de l’Aïd el-Kebir), à 32 000 têtes, soit +35 % /2018, avec toujours une prédominance de l’origine Espagne. Sur 8 mois 2019, les importations d’agneaux vifs restent toutefois en nette baisse par rapport aux années précédentes (-22% /2018). Les importations d’ovins adultes étaient à l’inverse constatées en retrait.
Du côté des envois, l’ouverture du marché israélien depuis le début de l’année a permis d’exporter 1 700 agneaux, expédiés en février et juin derniers. Ce marché, très exigeant sur le plan sanitaire, demande notamment l’analyse de PCR pour détecter la FCO (Fièvre catarrhale ovine). Malgré cela, les envois devraient se poursuivre voire s’accentuer en fin d’année. Grâce notamment à ce nouveau marché, les exportations totales cumulées d’agneaux vivants ont progressé de +7 % /2018 de janvier à août.
Le cours de l’agneau français a cessé de croître, subissant un marché encombré
Après une remontée des cours en août puis septembre, les cours semblent stagner début octobre à des niveaux toujours inférieurs à ceux des années précédentes. Cet été la demande française dynamique ainsi que la baisse des importations de viande ovine en août ont tiré à la hausse des cours. Puis en septembre, la baisse saisonnière des abattages a prolongé la tendance haussière de la cotation française. En revanche, à partir de fin septembre, la situation s’est compliquée avec de nombreux invendus sur les marchés aux bestiaux, signe d’une demande morose. En semaine 40, les marchés aux bestiaux soulignent une pression tarifaire des agneaux importés.
Compte-tenu du prix de l’agneau britannique, les distributeurs français pourraient en effet privilégier la viande ovine importée, délaissant quelque peu la production française et créant ainsi un alourdissement du marché. L’impact a été rapide sur les cours qui, dès la semaine 38 (du 16 au 22 septembre), ont stoppé leur redressement et ont depuis marqué le pas, perdant 5 centimes en deux semaines. Le cours de l’agneau français est de 6,18 €/kg en semaine 40 de 2019.
Viande ovine » UE et monde »
La perspective d’un Brexit dur se fait déjà ressentir
Le cours de l’agneau britannique reste bas étant donné l’instabilité politique du Royaume-Uni, ce qui le rend très attractif à l’export. A quelques dizaines de jours seulement du 31 octobre, la perspective d’un Brexit sans accord se révèle de plus en plus plausible.
ROYAUME-UNI : Les cours de l’agneau britannique restent bas dans la perspective d’un Brexit sans accord
Depuis le début de l’année, le cours de l’agneau britannique est en moyenne inférieur de 0,58 €/kg à celui de 2018 sur la même période (semaines 1 à 40). En semaine 40, la cotation des agneaux lourds britanniques s’établissait à 3,71 £/kg (soit 4,13 €/kg en monnaie européenne). L’écart entre les niveaux de 2018 et de 2019 ne semble cependant pas se creuser, probablement via la forte demande extérieure de viande ovine britannique (compétitivité-prix).
Avec une légère accalmie en août (-1 % /2018), les abattages cumulés sur 8 mois ont bondi de +8 % /2018. En septembre, ils demeureraient à un niveau élevé.
Malgré une baisse des effectifs d’ovins au Royaume-Uni, les sorties d’agneaux demeurent abondantes et les transformateurs, à leur tour, pousseraient des quantités croissantes sur le marché de l’export.
La livre sterling a repris de la valeur, bien qu’elle reste très dépréciée, depuis que l’illégalité de la suspension du Parlement britannique par le premier ministre Boris Johnson a été décrétée. Cela semble avoir rassuré les investisseurs étrangers, cette suspension ayant été perçue comme une stratégie de la part des unionistes pour faciliter une sortie sans accord.
Le fait de trouver un accord entre Londres et Bruxelles semble de plus en plus compromis. En réalité, la loi prévoit un report de trois mois du Brexit si aucun accord n’est trouvé au 19 octobre, mais Boris Johnson annonce de son côté vouloir sortir de l’Union Européenne le 31 octobre coûte que coûte. C’est toujours la question de la frontière entre l’Irlande du Nord et de la République d’Irlande qui achoppe.
Si un Brexit dur survient, cela signifie l’ajout de tarifs douaniers mais aussi un ralentissement conséquent des flux, dû à des contrôles aux frontières. A court terme, cela peut être bénéfique pour le cours de l’agneau français qui va bondir face à un fort allègement du marché, mais c’est aussi une perte de visibilité du produit auprès des français, qui ne va pas faciliter les achats.
A plus long terme, les britanniques vont probablement accepter de diminuer leur marge pour continuer d’exporter vers la France à des prix raisonnables, vu l’importance des flux commerciaux entre nos deux pays.
IRLANDE : manifestations et blocages d’usines ont momentanément bouleversé la production de viande irlandaise
En Irlande, les cours de l’agneau sont déprimés depuis le début de l’année, en moyenne inférieurs de -0,37 €/kg à ceux de l’an dernier (semaines 1 à 40). Des associations d’éleveurs ont manifesté leur mécontentement en bloquant usines et centres de distribution dans le centre du pays. Cela a provoqué un effondrement des abattages en septembre : semaine 37, on comptait 45 700 ovins abattus contre 70 220 l’an passé, la même semaine.
Le Brexit inquiète fortement les éleveurs irlandais (à raison) et perturbe déjà les flux commerciaux : le nombre d’ovins qui passent la frontière Irlande du Nord/République d’Irlande a augmenté cette année.
Le ministre des Finances irlandais a récemment annoncé un plan de soutien massif à l’économie du pays, d’un montant de 1,2 milliard d’euros, pour tenter de limiter l’impact imminent de la sortie du Royaume-Uni.
NOUVELLE-ZÉLANDE : flambée des prix de la viande ovine néozélandaise
Malgré un regain des abattages d’agneaux en août (+8 % / 2019), la production ovine cumulée est toujours ralentie depuis janvier, à -6 % /2018 sur 8 mois.
La décapitalisation, à l’œuvre dans la filière ovine, ne permet pas à la Nouvelle-Zélande de combler totalement la forte demande internationale en viande ovine. Sur la même dynamique que depuis le début de l’année, les envois de viande ovine ont fortement baissé en août, de -26 % /2018. Ils sont en retrait vers l’UE à 28, comme depuis le début de l’année, en particulier vers le Royaume-Uni (- 40% en août), premier client de la Nouvelle-Zélande parmi les pays de l’UE. La baisse des envois vers la France se poursuit également, à hauteur de -46 % en août. Même les envois vers la Chine, destination privilégiée de la Nouvelle-Zélande sont enregistrés en baisse (-10% en août). Seules les ventes vers Hong-Kong et le Japon sont croissantes en août 2019/ août 2018.
Le repli des exportations néozélandaises de viande ovine s’accentue avec août : -7 % /2018 sur un cumul de 8 mois (-21 % vers l’UE-28 ; +12 % vers la Chine).
Les stocks d’agneaux s’amenuisent et vont continuer de baisser jusqu’à la nouvelle saison qui démarre en octobre.
Entre une demande chinoise détonante (conséquence de la pénurie de viande de porc provoquée par la fièvre porcine africaine) et des disponibilités limitées, les prix de la viande ovine néozélandaise s’envolent : selon AHDB, le prix de la côtelette d’agneau néozélandais vendue en Chine dépasserait actuellement le prix du gigot d’agneau néozélandais vendu en Europe.
ESPAGNE : des envois d’agneaux vifs qui explosent
Les exportations espagnoles d’agneaux vivants se sont envolées cette année : sur 7 mois, la hausse est de +80% !
La Libye, premier client de l’Espagne en agneaux vifs, a fortement augmenté ses achats d’agneaux espagnols (+50%, soit + 164 700 agneaux). Pourtant, les envois vers cette destination sont difficiles, compte-tenu de la situation intérieure du pays (présence de groupes affiliés à Daech et Al-Qaida dans plusieurs régions, en particulier au Sud). Les exportateurs espagnols ne veulent plus travailler dans ces conditions et auraient alors les yeux rivés sur Sud de la France, dont les attentes pour la viande ovine sont similaires (agneaux légers).