Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 363 Juillet/août 2024 Mise en ligne le 19/07/2024

Les marchés des produits laitiers ont finalement bien résisté au chamboule-tout provoqué par le confinement dans la plupart des pays consommateurs et importateurs de produits laitiers. Après avoir décroché jusqu’à la mi-avril, les cours des ingrédients laitiers se sont partiellement redressés.Toutefois les échanges internationaux de produits, peu dynamiques en début d’année, ont été plus ou moins entravés en mars et surtout en avril.

Consommation stimulée par le confinement

En France comme dans tous les pays confinés, les achats des ménages de produits alimentaires, et entre autre de produits laitiers, ont été fortement modifiés pendant la période de confinement. Selon IRi, de la semaine S12 à S19 , la grande distribution (hypermarchés, supermarchés, proximité et e-commerce) a accru de 31% ses ventes de crème, de 27% de beurre, de 14% de laits conditionnés, de 13% d’ultra-frais et de 22% de fromages. Toutefois, la croissance des achats des ménages a été moindre avec la prise en compte de l’activité des rayons à la coupe (non couverts par IRi) de même que les circuits traditionnels (crèmeries, halles, marchés). Ces circuits ont subi une chute d’activité en début de confinement. Toujours selon IRI, les ventes de produits laitiers au rayon à la coupe en GMS ont reculé de 14% en valeur sur la même période. Lors du déconfinement, les achats des ménages ont été moins dynamiques, mais supérieurs à l’an dernier sauf en laits conditionnés selon IRi de la semaine 20 à 22. Les ventes de crème, de beurre, de fromages et d’ultra-frais ont respectivement progressé de +16% , +10%, +14% et +6% dans les rayons en libre-service de la grande distribution.

En Allemagne, les achats de produits laitiers par les ménages ont progressé aussi, mais moins fortement d’après ZMB de +4% en volume pour les liquides, +7% pour le beurre, +8% pour les fromages frais, +10% pour les yaourts, +11% pour les formages et +13% pour la crème.

Bond des fabrications de produits de grande consommation

Les transformateurs laitiers européens ont en conséquence accru les fabrications de produits de grande consommation. En mars, les fabrications de laits conditionnés ont bondi de +8% /2019, celles de laits fermentés de +6% et de beurre de +4%. Grâce à une ressource laitière plus abondante en mars comme au 1er trimestre, les transformateurs ont dans l’ensemble poursuivi la croissance des fabrications fromagères et la reprise des fabrications de poudres grasses (+10% /2019 au 1er trimestre).

Marché des fromages robustes

Le marché des fromages a évolué diversement selon leurs destinations. En Allemagne, le cours de l’emmental, fromage destiné au marché européen, a légèrement fléchi de 150 €/t en deux mois à 4 450 €/t en mai, retrouvant le niveau de l’an dernier à pareille époque. En revanche, le cours du gouda en Allemagne, plus sensible à la conjoncture internationale, a décroché de 440 €/t sur la même période (-8%) à 2 810 €/t, soit -7% /2019. Aux États-Unis, le cours du cheddar a chuté de plus de 1 000 €/t en un mois, à 3 036 €/t en avril, avant de rebondir en mai à 3 515 €/t tiré par le déconfinement de plusieurs États et les achats publics. Les fabricants de cheddar et de mozzarelle ont subi la fermeture de la restauration commerciale dans de nombreux États, le premier débouché intérieur de fromages ingrédients pour la fabrication des pizzas et des hamburgers.

De janvier à avril, les fabrications étatsuniennes de fromages avaient été stables, tandis que les exportations avaient nettement fléchi de -8% à 119 000 t sur la même période, en premier lieu vers le Japon, malgré la fermeté des ventes au Mexique (+33% à 26 900 t). Les fabrications de mozzarelle ont reculé en avril (-5%/2019), tandis que celles de Cheddar ont bondi de 8%, alimentant une forte hausse saisonnière des stocks , de +70 000 t en 4 mois, à 673 000 t début mai. (+39 000 t /2019).

Le cours du cheddar au départ d’Océanie, exporté essentiellement vers l’Asie du Sud-est a mieux résisté : il a baissé de 9% en un mois à 3 730 €/t en mai, soit 13% sous son niveau de l’an dernier. Durant le confinement, la Nouvelle-Zélande a maintenu son activité commerciale, après avoir sensiblement accru ses exportations au 1er trimestre 2020. L’Australie a quant à elle maintenu ses exportations au 1er trimestre 2020

Le confinement a fortement freiné les exportations de l’UE-27 sur les pays-tiers en avril, déjà peu dynamiques au 1er trimestre. Sur quatre mois, elles ont reflué de 5% /2019. Les ventes au Royaume-Uni, désormais considéré comme pays tiers, ont chuté de 29%, mais aussi celles au Japon de 3%. Elles ont aussi fortement chuté vers les États-Unis en avril. En revanche, les exportations vers les autres principales destinations (Suisse, Corées du Sud, Ukraine, Australie) sont restées positives sur 4 mois.

Malgré la fermeté de la consommation européenne, notamment en mars, les stocks de fromages ont significativement augmenté en mars de près de 20 000 t à 320 000 t fin mars d’après les estimations EDA. Par la suite, la crise du Covid-19 a perturbé les exportations sur pays tiers et encore étoffé les stocks des entreprises. En France et en Italie des volumes importants de fromages de garde dépourvus de débouchés pendant le confinement sont restés dans les fromageries. Le dispositif d’aide au stockage privé, opérationnel depuis le 12 mai en France, connaît un certain succès : les demandes d’aide portent sur 42 167 t de fromages, dont 12 654 t en Italie, 7 450 t aux Pays-Bas, 5 770 t en France… Début juin, 7 116 t en Italie ont fait l’objet d’un contrat et d’une aide au stockage privé.

Marché du beurre rétabli

Le marché du beurre a retrouvé l’équilibre qui prévalait avant la période de confinement. En France, la cotation ATLA du beurre cube sur le marché spot (qui mesure les nouveaux contrats), s’est stabilisée à 3 170 €/t début juin, après avoir regagné +570 €/t en deux mois, depuis son bas niveau atteint 2 600 €/t atteint début avril. Rappelons qu’elle avait chuté de 900 €/t en six semaines. Début juin, elle a ainsi probablement retrouvé le niveau qui aurait prévalu sans cette crise sanitaire.

Durant ce printemps, les fabrications européennes, probablement supérieures à celles de l’an dernier, semblent s’écouler sans difficulté majeure. D’une part le confinement de la plupart de la population européenne a stimulé l’utilisation de beurre par les ménages cloitrés à leur domicile.

D’autre part la demande internationale est demeurée solide, d’autant que les fabricants européens ont bénéficié de la très bonne compétitivité de leurs fabrications sur la scène internationale. Le cours du beurre au départ d’Océanie a peu baissé depuis janvier. La Nouvelle-Zélande, confrontée à une collecte réduite, a privilégié les fabrications de poudres grasses. Avec des disponibilités limitées (stocks et fabrications), elle a beaucoup moins exporté de beurre au 1er trimestre (-16% /2019), même si elle a rétabli ses ventes en Chine (qui avaient fléchi début 2019).

A l’inverse, les exportations européennes (UE-27) de beurre ont rebondi de +35% /2019 sur 4 mois, malgré la chute des ventes de -19% au Royaume-Uni et le tassement des expéditions en avril, grâce à la forte hausse des expéditions à la Corée du Sud (+75%), aux Émirats Arabes Unis (+50%), et secondairement à la Chine (+11%).

En revanche, les États-Unis, malgré des fabrications dynamiques de janvier à avril (+10%), ont subi une chute de leurs expéditions de -25% /2019. D’où une remontée saisonnière des stocks à 167 000 t début mai, soit +35 000 t /2019. Ensuite la forte chute du prix du beurre en avril, sous l’effet de l’effondrement de la demande dans la RHD, a redonné de la compétitivité au beurre états-unien et réanimé les exportations.

Globalement, les échanges internationaux de beurre sont demeurés stables au 1er trimestre, malgré la reprise des expéditions européennes, du fait du tassement des exportations néo-zélandaises devenues moins compétitives faute de disponibilités.

Redressement spectaculaire du marché de la poudre maigre

La cotation ATLA de la poudre maigre a rebondi de +380 €/t en 4 semaines, à 2 310 €/t en semaine 23. Elle est ainsi repassée au-dessus du niveau de l’an dernier à pareille époque. Rappelons qu’elle avait dévissé de près de 600 € en 4 semaines entre le début du confinement et la mi-avril, pour ensuite se stabiliser jusqu’à la fin avril. Ce retournement de conjoncture traduit la reprise des transactions, après une période d’incertitude, correspondant au confinement durant laquelle les utilisateurs, essentiellement des industriels, étaient attentistes faute de visibilité sur l’évolution de la demande et des marchés.

De plus, les disponibilités européennes sont probablement limitées. D’une part, les fabrications européennes de poudre maigre sont demeurées contenues, par le dynamisme des produits de consommation mais aussi des fabrications de poudres grasses. En mars, les fabrications européennes ont reculé de -5% /2019, se situant ainsi très en-deçà du très haut niveau de 2018. De plus les stocks déjà très bas début 2020 ont encore sensiblement reculé, tombant fin mars à 105 000 t d’après EDA, soit 200 000 t de moins qu’un an auparavant.

Paradoxalement, les exportations européennes de poudre maigre ont rebondi en avril, retrouvant le bon niveau de 2019, après avoir fortement chuté au 1er trimestre 2020, de -24% /2019, faute de telles disponibilités. L’UE-27 a fortement accru ses ventes à l’Algérie (+54% à 52 700 t sur 4 mois).

Dans le même temps, les exportations états-uniennes ont fortement progressé (+15%), mais n’ont pas compensé le tassement européen et le repli néo-zélandais. Elles n’ont pas de plus totalement absorbé les volumes supplémentaires fabriqués aux États-Unis (+3% /2019), si bien que les stocks ont connu une hausse saisonnière prononcée (+65 000 t en 4 mois à 178 000 t début mai). Les exportations états-uniennes sont demeurées dynamiques en avril (+20% /2019 à 68 000 t), grâce à des disponibilités abondantes et plus compétitives que celles expédiées d’Océanie et d’Europe de l’Ouest.

Rétablissement des fabrications et maintien des exportations européennes de poudres grasses

Au 1er trimestre, l’UE-27 a rétabli ses fabrications de poudres grasses (+10% /2019), qui ont ainsi retrouvé le niveau de 2018. En 2019, elles avaient chuté faute de compétitivité. Malgré cela, les exportations européennes ont été stabilisées au 1er trimestre 2020 comme en avril. Dans le même temps, les exportations néo-zélandaises ont reflué de -8% /2019, en raison de stocks réduits début 2020 et d’une collecte laitière moins abondante qu’en 2019. De son côté, l’Argentine est revenue en force sur le marché (des exportations doublées d’un été austral à l’autre) grâce à des stocks abondants en début d’année et au sursaut de la production laitière.

Poudre de lactosérum : redressement des cours et relances des échanges

Le cours de la poudre de lactosérum connait une évolution analogue à celui de la poudre maigre. A 730 €/t début juin, la cotation ATLA a regagné 90 €/t en deux mois, après avoir décroché de 140 €/t entre début février et début avril. Elle a ainsi presque retrouvé le niveau de l’an dernier à pareille époque grâce à la reprise de la demande chinoise de poudre de lactosérum, notamment pour l’alimentation animale. Cumulées sur 4 mois, les importations chinoises ont progressé de +11% /2019 à 165 7000 t, mais restent en-deçà du très haut niveau de 2018. Les États-Unis sont les principaux bénéficiaires, après avoir été les plus impactés, devant l’UE-27. Celle-ci a aussi  accru ses exportations totales (+8% /2019), dont un tiers est vendu en Chine. En somme les échanges internationaux de poudre de lactosérum ont rebondi (+8% /2019 sur 4 mois), après avoir fléchi d’autant en 2019, mais n’ont pas retrouvé le niveau historique de 2018 à pareille époque.