Les prix des fromages connaissent actuellement des hausses d’amplitudes diverses. Les dynamiques de commerce extérieur sont cependant divergentes chez les principaux producteurs.
Progression des cours et du commerce extérieur aux États-Unis
Depuis plusieurs mois, le prix du cheddar étasunien connait une progression conséquente. Il est ainsi passé de 2 960 €/t en janvier 2024 à 4 790 €/t en septembre dernier (+62%). Cette hausse résulte d’un décalage entre une offre contenue et une demande plutôt dynamique.
Dans le pays, les fabrications fromagères ont très légèrement progressé entre janvier et août 2024, à 4,31millions de tonnes (+0,6% /2023) d’après l’USDA. Les dynamiques sont cependant très divergentes suivant les types de fromages : les fabrications de fromages de type « américain » (à 68% du cheddar) ont reculé à 1,71millions de tonnes (-4,0% /2023) quand celles de fromages de type « italien » (à 80% de la mozzarella) avaient progressé à 1,81 millions de tonnes (+3,3% /2023).
Aux États-Unis, la consommation globale de fromages n’a cessé de progresser ces dernières années passant de 5,38 millions de tonnes en 2016 à 6,16 millions de tonnes en 2023 (+14,4%), bien au-delà de la progression démographique (+3,6% sur la même période d’après la Banque Mondiale). La progression est moins franche en 2024. Sur 8 mois, 4,1 millions de tonnes ont été consommées (stable /2023) alors que l’offre reste contrainte.
Mais les stocks commerciaux de fromages n’ont cessé de reculer pour atteindre 635 000 tonnes en août 2024 (-3% /août 2023), niveau le plus bas observé depuis la fin 2020.
Et le commerce extérieur a été dynamique à l’import comme à l’export. Sur les huit premiers mois de 2024, les importations de fromages ont atteint 135 000 tonnes (+12% /2023) quand les exportations ont totalisé 349 000 tonnes (+22%) d’après TDM. Le Mexique confirmait son statut de destination numéro un (+36% /2023), concentrant désormais plus du tiers des exportations de fromages des États-Unis avec un effet notable du nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) qui a remplacé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en juillet 2020.
Dans un contexte de collecte plutôt limitée et de demande relativement soutenue en fromage, le prix du lait Class III (produits dits « durs » comme le cream cheese, le hard cheese ou butteroil) est ainsi passé de 307 €/t en janvier 2024 à 414 €/t en août et même 463 €/t en septembre d’après l’USDA, et ce alors même que le dollar étasunien s’est légèrement déprécié sur les trois premiers trimestre 2024 face à l’euro (-2%).
Avec un marché jusqu’ici porteur, notamment en beurre et désormais en fromage, l’indicateur de marge sur coût alimentaire publié par l’USDA est à la hausse. En août 2024, il a dépassé les 300 US$/t, une première depuis septembre 2014.
Dans ce contexte de prix à la ferme plutôt soutenu, les abattages de vaches laitières ont été en net retrait depuis le début de l’année. Entre janvier et août 2024, seulement 1,85 million de vaches laitières ont été abattus contre près de 2,14 millions un an plus tôt (-14%).
Hausse des fabrications et des exportations en Europe. Les prix frémissent
Sur le premier semestre 2024, les fabrications de fromages dans l’Union européenne ont progressé (+3,3% /2023), dans le sillage de la hausse de 2023 (+1,5% /2022). Elles ont notamment progressé chez les deux premiers pays fabricants de la zone, à des niveaux divers cependant (+0,5% en Allemagne et +2,2% en France). Dans les pays complétant le top 5 des fabricants de l’UE, les fabrications ont aussi augmenté en Italie (+1,5%), en Pologne (+5,0%), mais pas aux Pays-Bas (-1,7%).
Les exportations sur la période janvier-juillet ont dépassé les 800 000 tonnes, en léger progrès par rapport aux années précédentes (+1,3% /2023 et +2,6% /2023). Parmi les trois principales destinations de 2024, les envois vers le Royaume-Uni étaient en léger retrait (-0,5% à 248,7 kt), ils étaient en hausse vers les États-Unis (+15% à 78,4 kt). La baisse était conséquente vers le Japon (-20% à 47,6 kt).
Selon AMI, le marché du fromage est marqué par une demande soutenue. Certes, la demande a légèrement diminué en Europe du Sud en lien avec la fin de la période des vacances. Cependant, elle est jugée bonne pour cette période de l’année. Si la situation dans les pays tiers est inégale selon les pays, la demande continue de rencontrer une offre limitée. Et les stocks dans les entrepôts de maturation sont à un niveau bas. Comme habituellement au début de l’automne, les commandes provenant de la grande distribution alimentaire se maintiennent à un bon niveau tout comme les ventes destinées au secteur de la restauration. Dans ce contexte de relativement bonne demande intérieure et à l’export, les prix européens sont orientés à la hausse. Le prix du gouda, partiellement orienté vers l’export pays tiers, est à la hausse depuis le début de l’année atteignant 4 451 €/t en septembre 2024 (soit +3% /janvier 2024). La situation est plus contrastée pour l’emmental, principalement destiné au marché européen. Après un petit creux au cœur de l’été, le cours s’est établi à 6 061 €/t en septembre 2024 (= /janvier 2023).
D’après AMI, le repli saisonnier de la collecte devrait entraîner une baisse de la production de fromage alors que de nombreux fabricants ont déjà peu de marchandises disponibles pour honorer des transactions sur le marché spot, comme cela a été le cas ces dernières semaines.
Redressement du côté de la Nouvelle-Zélande
En Nouvelle-Zélande, la collecte de lait a rebondi depuis le lancement de la nouvelle campagne laitière (+7,6% en juin-août 2024 /2023 en volume et +8,3% en Matière Solide Utile) grâce à de relativement bonnes conditions météorologiques et donc une meilleure pousse de l’herbe.
Dans un contexte où la demande en poudres grasses reste plutôt limitée avec une Chine moins présente sur les marchés mondiaux, la Nouvelle-Zélande augmente ses fabrications de fromages jusqu’ici plutôt réduites. Et la demande à l’export a récemment augmenté. Les exportations de fromages se sont redressées sur un an en juillet et en août. En cumul sur huit mois, elles restaient en retrait à 250 000 tonnes (-4% /2023). Les envois étaient en retrait notamment vers la Chine (-8% /2023 à 68,6 kt), le Japon (-8% à 38,6 kt), l’Australie (-11% à 30,4 kt). Ils étaient en hausse vers l’Arabie Saoudite (+56% à 11,3 kt).
Après deux mois de baisse, le prix du cheddar en Nouvelle-Zélande s’est apprécié de +100 €/t en un mois à 4 030 €/t en septembre 2024 (+3% /août 2024 et +4% /septembre 2023). Même constat du côté de la plateforme du Global Dairy Trade où les prix du cheddar étaient orientés à la hausse lors des trois dernières enchères (septembre-mi octobre 2024). Lors de la dernière enchère, le prix des contrats pour le cheddar a atteint 4 702 US$/tonne, le prix le plus élevé depuis juin 2023.
De nombreux importateurs au rendez-vous
Hors Russie, qui ne publie plus ses données de douane de façon régulière, les dix principaux importateurs mondiaux de fromages ont globalement vu leurs importations de fromages progresser entre janvier et juillet 2024. Ces dix pays ont importé plus de 1,18 million de tonnes de fromages (+4% /2023 et +8% /2022). Les hausses sont particulièrement marquées au Mexique (+19% /2023 à 117,9 kt), aux États-Unis (+14% à 116,1 kt), dans l’UE (+10% à 106,8 kt) ou au Royaume-Uni (+2% à 260,5 kt).
Exceptions notables, les importations ont reculé en Corée du Sud (-18% /2023 à 67,0 kt), en Australie (-9% à 61,4 kt) et dans une moindre mesure en Chine (-1% à 104,2 kt).
Il reste difficile de connaître l’activité de la Russie sur le marché mondial des fromages. D’après l’USDA, ses importations de fromages sont attendus stables en 2024 à 375 000 tonnes, le pays restant le 2ème importateur mondial derrière le Royaume-Uni mais devant le Japon.