Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 363 Juillet/août 2024 Mise en ligne le 19/07/2024

Depuis plusieurs semaines, les prix du beurre et de la poudre maigre affichent une certaine stabilité en France selon ATLA. Les prix du beurre ont démarré 2023 autour des 5 300 €/t. Après avoir décroché ils se sont stabilisés à 4 960 €/t en semaine 23.  Le cours de la poudre maigre semble stabilisé autour des 2 500 €/t, après avoir chuté jusqu’à 2 300 €/t fin janvier 2023 avant de se rétablir. Le 1er semestre 2023 se termine sur des incertitudes tant du côté de la production que de la demande, ce qui réserve des surprises pour le second semestre.

Une offre attendue en repli dans l’hémisphère Nord

Du côté de l’offre parmi les grands bassins exportateurs, seuls les États-Unis affichaient une tendance haussière mais celle-ci s’étiole. La collecte européenne est hétérogène mais la tendance semble davantage s’orienter vers la baisse de volume pour le second semestre. La production de lait s’est améliorée en Nouvelle-Zélande depuis le début de l’année, mais le creux saisonnier s’approche tandis que la probabilité d’un phénomène climatique El Niño se renforce.

La production de lait en Inde ne semble pas non plus au rendez-vous face à une demande qui se reprend après le covid-19, ce qui pourrait forcer le gouvernement à autoriser des importations de beurre notamment. En effet, la production laitière est affectée par une maladie des troupeaux (dermatose qui provoque fièvre et lésions cutanées affaiblissant les animaux), par de fortes chaleurs réduisant les fourrages disponibles et par la hausse des coûts de production.

Aux États-Unis, la production de lait a perdu son dynamisme. Au mois d’avril, elle n’était en hausse que de +0,3% /2022. Le cheptel s’est nettement replié de -16 000 têtes en un mois. Durant la dernière semaine de mai, les abattages de vaches laitières ont bondi à 57 000 têtes, soit +4 100 têtes par rapport à l’an passé à date (+7%). Ainsi dans son dernier rapport mensuel, l’USDA a de nouveau abaissé son estimation de production pour l’année 2023 à 103,6 Mt, soit +0,8% /2022.

Répartition de la production de lait aux États-Unis en 2022 (Mt) et variation en % en avril 2023 /2022

L’évolution de la production au mois d’avril reflète assez bien les dynamiques régionales actuelles aux États-Unis. En effet, la production a baissé en Californie, 1er État producteur, de -2% /2022 face aux fortes inondations.

Dans les Grands Lacs, la collecte s’est maintenue malgré des prix peu rémunérateurs. Le secteur du fromage fait face à plusieurs difficultés. D’une part, le manque de main d’œuvre se fait toujours sentir empêchant les laiteries de transformer des volumes supplémentaires. D’autre part, les fabrications fromagères dépassent la demande tant à l’export que sur le marché intérieur. Les exportations sont à la peine et incitent les laiteries à fabriquer davantage de cheddar dont les stocks sont déjà conséquents.

Cette situation a entrainé une nette baisse des prix du cheddar permettant un rebond de la consommation. La demande intérieure semble revenir avec une consommation en hausse de +2,2% /avril 2022 pour la catégorie fromage américain selon l’USDA, mais seulement +0,4% pour les autres catégories de fromages.

Enfin, dans les Plaines du Sud la production y était nettement en hausse soutenue par la demande mexicaine conséquente. Les exportations de produits laitiers sont toujours dégradées notamment celles de fromages (-0,5% sur janvier-avril /2022). Les volumes se tiennent vers le Mexique (+14% à 45 000 t), mais ont baissé fortement vers la Corée du Sud et le Japon (respectivement -38% à 16 000 t et -12% à 14 000 t sur 4 mois).

Une demande variable selon les pays et les produits

En Chine, les tendances n’ont pas évolué depuis le début de l’année. Les prix du lait ont continué de baisser rendant la situation économiquement difficile à tenir pour les éleveurs. Néanmoins, la hausse de la production semble se maintenir pour le moment. Elle est estimée à +4% en 2023 par l’USDA et à +8,5% au 1er trimestre 2023 selon les statistiques chinoises. Selon l’USDA, cette hausse de la collecte devrait conduire à une hausse des fabrications de poudres grasses, estimées à 1,18 Mt et donc contenir les imports à 0,6 Mt pour l’année 2023 contre 0,7 Mt l’an passé et 0,85 Mt en 2021. Seules 180 000 t ont été importées entre janvier et avril (-58% /2022), ce qui laisse encore de la marge pour le 2nd semestre.

Dans le même temps, les importations de poudre maigre ont été dynamiques (+20% /2022, à 150 000 t en 4 mois) tout comme celles de poudre de lait infantiles (+38% à 110 000 t). Les importations de matières grasses semblent assez calmes en ce début d’année.

En Algérie, de nombreux appels d’offres ont été lancés depuis le début de l’année. Les poudres grasses proviennent majoritairement de Nouvelle-Zélande (58 000 t ont été exportées vers l’Algérie sur les quatre premiers mois de 2023 soit +190 % /2022) au détriment de l’Argentine dont les exports sont concentrés vers le Brésil. L’UE-27, dont la France, fournit principalement la poudre maigre dont les expéditions ont bondi de +171% /2022, à 55 000 t de janvier à avril.

Les importations brésiliennes sont aussi ressorties particulièrement fortes sur les cinq premiers mois de l’année (+60% en fromages à 16 000 t, x5 en poudres grasses à 64 000 t et x2 en poudre maigre à 14 000 t). En effet, la production brésilienne, qui a reculé en 2022, peine à se rétablir en 2023 notamment en raison conditions météotologiques défavorables (sécheresse) et de coûts de production élevés. Ces importations proviennent majoritairement de l’Argentine et de l’Uruguay et permettent de limiter l’inflation sur les prix des produits laitiers pour les consommateurs.

En Indonésie, les importations de poudre maigre ont reculé sur le 1er trimestre au profit des poudres grasses, jugées plus compétitives, qui proviennent majoritairement de Nouvelle-Zélande.

En conclusion, on constate un certain consensus entre les experts sur un probable repli de la collecte dans les grands bassins exportateurs au 2nd semestre. En revanche, personne ne s’accorde sur les niveaux de demande pour les mois à venir. Les pessimistes tablent sur un impact toujours marqué de l’inflation sur la demande tant intérieure qu’internationale en produits laitiers. Les optimistes, à l’inverse, prévoient un retour de la Chine aux achats et dans son sillage d’autres importateurs.

La réalité pourrait se situer entre les deux. L’inflation sur les produits alimentaires a marqué le pas dans de nombreux pays et pourrait entrainer un retour de la consommation intérieure de produits laitiers. À l’international, la reprise sera variable entre les produits laitiers et en fonction de la disponibilité en devises. Le contexte est davantage porteur pour la poudre maigre actuellement que pour les poudres grasses (pas de reprise attendue à court terme des importations chinoises). Dans ce contexte incertain, les acheteurs se montrent attentistes et prudents, quitte à revenir rapidement aux achats en cas de nouveaux éléments.