Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 367 Décembre 2024 Mise en ligne le 20/12/2024

En avril, la collecte s’est rétractée en France et en Europe, malgré des prix records, qui surcompensent le plus souvent la flambée des charges.

France : nouveau recul de la collecte

En avril, la collecte française s’est établie à 2,14 Mt, en baisse de -2% /2021, à son plus bas niveau depuis 2013. (-43 000 t). II s’agit du 8ème mois consécutif de repli. La collecte a donc de nouveau décroché plus fortement que le cheptel (-1,3% /2021), en lien avec la flambée du prix du l’aliment acheté. Au pic de collecte, cette baisse représente un volume substantiel de -43 000 t sur un an. Le repli est plus prononcé en matière sèche utile (-2,8% /2021) en raison de la baisse des taux de MG (41,5 g/l ; -0,5% /2021) et de MP (33,5 g/l, -1,2% /2021). Le repli des livraisons concerne l’ensemble des régions à l’exception des Pays de la Loire (+0,5%) et est particulièrement marqué en Auvergne-Rhône-Alpes (-5%).

Pour mai, les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer évoquent certes une stabilisation de la baisse à -2% /2021, mais par rapport à une collecte très dynamique l’an dernier à pareille époque. Malgré un déficit hydrique important sur l’ensemble du croissant laitier, la collecte laitière aurait rattrapé son niveau de 2020, en lien avec la hausse du prix du lait, dont l’effet incitatif à la production semble commencer à se faire sentir.

En juin, le prolongement de la sécheresse et la canicule devraient fortement peser sur la production laitière.

Atténuation de la baisse du cheptel

Au 1er mai, le cheptel laitier a connu sa plus faible baisse annuelle depuis 4 ans (-1,4% /2021), en lien avec le fait que les éleveurs ont ralenti les réformes pour profiter de la hausse du prix du lait. Ce redressement (tout relatif) du cheptel pourrait maintenant arriver à son terme, car les abattages ont rejoint des niveaux plus proches de la normale en mai (-2% /2021 entre les semaines 19 et 22), et les effectifs de génisses de 24-36 mois restent fortement orientés à la baisse (-8%). De plus, les fortes chaleurs et le déficit hydrique altèrent la pousse de l’herbe, si bien que les éleveurs devront accroître les distributions de fourrages et de concentrés s’ils souhaitent maintenir leur productivité laitière. Or, le prix de l’aliment acheté flambe, ce qui dégrade la marge alimentaire, et incite donc à réformer les vaches les moins productives, dont les réformes ont parfois été repoussées ces derniers mois. A terme, si la sécheresse se poursuivait, et même si les stocks restent pour l’instant importants, la baisse des disponibilités fourragères pourrait également conduire certains éleveurs à effectuer les réformes qu’ils ont retardées ces derniers mois.

Nouvelle hausse du prix du lait en avril

En avril, à 417 €/1 000 l, le prix du lait standard 38-32 (toutes qualités) a battu un nouveau record, gagnant +10 € d’un mois sur l’autre, dans le sillage de la hausse du cours des commodités laitières. Il se situe +68 €/1 000 l au-dessus de son niveau 2021, soit une hausse de +19%. La hausse du prix réel moyen payé aux éleveurs est légèrement moindre (+17% à 438 €/1 000 l), en raison de la baisse des taux d’une année sur l’autre.

A 406 €/1 000 l, le prix standard conventionnel excède pour la première fois les 400 €/1 000 l. Comme attendu, il dépasse donc temporairement le prix du lait bio (400 €/1 000 l), en raison de la forte saisonnalité de celui-ci, qui se redressera fortement à partir de juin.

En mai, d’après l’observatoire des prix du lait de la revue l’éleveur laitier, le prix standard du lait devrait avoir encore progressé, d’environ +10 €/1 000 l.

Poursuite de la hausse de l’IPAMPA en avril

En avril, l’indice IPAMPA a poursuivi sa progression, alors que les cours mondiaux des matières premières s’étaient légèrement détendus après avoir atteint des sommets début mars, suite à l’invasion russe en Ukraine. Cette latence s’explique par le fait que les fournisseurs mettent un certain temps pour répercuter les hausses auxquelles ils sont confrontés. L’indice a donc encore gagné +1,2 point d’un mois sur l’autre, s’établissant à 133,4 pts (+21% /2021). Par rapport à septembre 2021, mois de début de cette flambée, la progression est de +29% après 19 mois consécutifs de hausse ininterrompue. En avril, les prix de l’aliment acheté (+4% sur un mois, +27% /2021) et des engrais (+5% /mars, +108% /2021) ont poursuivi leur hausse fulgurante, au contraire de l’IPAMPA énergie (-11% /mars, +40% /2021), essentiellement lié au prix du carburant, qui s’est légèrement détendu.

La MILC poursuit sa progression

Sur le mois d’avril 2021, la MILC lait de vache s’est établi à 111 €/1 000 l, son plus haut niveau depuis octobre 2019, et ce malgré un niveau de charges qui continue de battre des records.

Sur un mois, elle a gagné +10 €, grâce à une hausse du prix du lait (+13 € /1 000 l) et du produit viande (+3 €/ 1 000 l) qui ont surcompensé la hausse des charges (+3 €/1 000 l).

Sur un an, elle a progressé de +26 €/1 000 l. La hausse du prix du lait (+71 €) est presque intégralement gommée par celle des charges (+67 €), mais le bond des prix du coproduit viande (de +22 €/ 1000 l) permet à l’indice d’excéder nettement son niveau d’avril 2021 (+85 € /1 000 l).

En mai, la MILC devrait avoir continué sa progression, grâce à la poursuite de l’appréciation du prix du lait.

UE-27 : nouveau décrochage de la collecte

Dans l’UE-27, malgré des prix du lait record, la collecte laitière a de nouveau décroché en avril ( -1,4% /2021, soit -180 000 t !).

Les livraisons ont poursuivi leur recul dans les grands pays producteurs (-1,2% en France, -2,1% en Allemagne, -2,5% aux Pays-Bas). Le repli sur un an est plus important qu’au dernier trimestre 2021, car certains pays habituellement moteurs contribuent maintenant également à la baisse, à l’image de l’Espagne (-2,3% /2021), de l’Italie (-1% en mars), et même de l’Irlande (-1%). Parmi les grands pays producteurs, seule la collecte polonaise reste croissante (+1,1%).

En Irlande, la baisse de collecte se confirme en avril

En avril, le ralentissement de la collecte s’est confirmé en Irlande (-1% /2021), certes en comparaison d’une année 2021 exceptionnelle, durant laquelle les livraisons s’étaient envolées au premier trimestre (+12%) ; la croissance de la production laitière, continue ces dernières années, est donc temporairement interrompue, malgré un prix du lait à la production qui est de loin le plus élevé d’Europe (498 €/1 000 l en prix standard 37-33, 527 € en prix réel !), et un cheptel qui continue d’augmenter d’après Teagasc.

D’après les experts irlandais, la pousse « correcte » de l’herbe au premier trimestre n’est pas le principal facteur à ce léger repli, qui aurait les explications suivantes :

D’une part, les réformes ont fortement augmenté depuis le début de l’année (+19% /2021). Elles seraient stimulées par la hausse des cotations viande, la flambée des charges, mais aussi par la forte incertitude économique, qui altère les velléités d’agrandissement du troupeau. D’après les experts irlandais, l’inflation des charges et du coût de la vie induirait également parfois des besoins de trésorerie urgents.

Ensuite, les conditions météorologiques de l’an dernier auraient perturbé les inséminations artificielles, que les éleveurs irlandais essaient généralement de grouper en mai. Ce phénomène se traduirait par un décalage des lactations, et pourrait donc être compensé dans les prochains mois.

En outre, la flambée du coût de l’azote aurait conduit certains éleveurs à limiter les épandages, ce qui jugulerait la pousse de l’herbe. De même, même si l’élevage irlandais est peu dépendant des concentrés (en moyenne 1 tonne/vache/an), le prix de l’aliment acheté pousserait certains éleveurs à rationner leur distribution.

Enfin, certains éleveurs irlandais sont piégés dans des contrats de vente du lait à prix fixes. Comme ils ne se sont pas couverts sur leurs achats en parallèle, ils subissent la flambée des charges, sans revalorisation du prix de leur lait, et réduisent donc leur production. Il s’agit souvent de jeunes éleveurs nouvellement installés qui se sont engagés dans ce type de contrats parce que leur banque leur demandait une visibilité et des garanties. Ils ne représentent toutefois qu’une part très faible de la collecte (autour de 2 à 3% selon les experts).

Le prix du lait continue de s’envoler

En avril, d’après le MMO, le prix du lait moyen pondéré dans l’UE-27 a de nouveau progressé de +6% sur un mois, pour atteindre 460 €/t (+29% /2021), un nouveau record. Selon les premières estimations, il aurait poursuivi sa progression sur le même rythme en mai (+3% à 473 € /t). Cette envolée du prix est bien sûr liée à la flambée de la valorisation du lait transformé en beurre/poudre maigre qui s’est stabilisée à 608 €/1 000 l en mai sur le marché européen. Le prix du lait s’envole particulièrement dans les pays exportateurs de commodités. Il culmine à 462 €/t en Allemagne (+39% /2021), 469 €/t au Danemark (+26%), 485 €/t aux Pays-Bas (+35%) et 512 € /t en Irlande (+39%).

Le prix du lait espagnol a été aussi nettement revalorisé, passant de 372 € /t à 407 €/t en un mois (+25% /2021)