Conséquence de la guerre en Ukraine, les prix des intrants continuent de flamber. Les prix des bovins finis progressent eux aussi, mais la hausse reste parfois insuffisante pour couvrir celle des charges. L’offre de gros bovins finis enregistre un recul marqué d’autant que les poids de carcasse sont en baisse. Seuls les abattages de femelles allaitantes restent relativement dynamiques, venant accélérer la décapitalisation. Actuellement, les acheteurs prennent tout le disponible, y compris des bovins destinés normalement à un engraissement plus poussé.
Des charges en très forte hausse
L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe depuis fin février a engendré une envolée des prix de tous les intrants. En mars 2022, l’IPAMPA viande bovine (indice des prix d’achat des moyens de production agricoles) a atteint un nouveau record à 133,1 points (+22% /2021 et +28% /2020). L’indice des aliments achetés était supérieur de +19% /2021 et +30% /2020, celui des énergies et lubrifiants de +81% /2021 et +110% /2020.
A noter qu’une grande partie des engraisseurs de jeunes bovins devraient pouvoir prétendre à l’aide à l’alimentation animale prévue dans le plan de résilience. Cette aide, qui atteindra 489 M€ et qui est en cours de validation par l’Union européenne, doit compenser une partie de la flambée des prix de l’alimentation animale. Elle est accessible aux élevages présentant un taux de dépendance (coût de l’aliment rapporté aux charges totales) d’au moins 10%, et une facture d’aliment d’au moins 3 000 € entre le 16 mars 2021 et le 15 juillet 2021. Le montant de l’aide varie selon le taux de dépendance. Les demandes seront à formuler à partir de fin mai sur le site de FranceAgriMer où une plate-forme dédiée sera ouverte pendant trois semaines. Pour la très grande majorité des éleveurs bovins, elle n’excédera pas le forfait de 1000 € (pour un taux de dépendance de 10 à 30%), cette aide ayant été conçue à l’origine pour les secteurs d’élevage monogastrique, les plus dépendants à l’alimentation achetée.
L’offre restreinte en JB continue de doper les prix
Après un pic en mars-avril consécutif aux rétentions de début d’année, les sorties de jeunes bovins sont revenues à des niveaux inférieurs à ceux des années précédentes. Sur les semaines 15 à 19, les abattages de JB de type viande étaient en baisse de -4% /2021 et ceux de JB de type lait en chute de -12% d’après l’indicateur hebdomadaire de Normabev. Le coût très élevé de l’alimentation animale a conduit par ailleurs à une réduction des poids de carcasse, de -1,3% /2021 pour les JB de type viande comme pour les JB de type lait. Cette relative pénurie exacerbe la concurrence entre acheteurs et les pousse à concéder des hausses de prix… et à urger les sorties, faisant baisser les poids.
Le marché européen est en manque de viande, en particulier le marché allemand où les cotations sont encore bien plus élevées qu’en France. Ceci dope la demande adressée aux exportateurs français et participe aussi à la progression des cours. En 4 semaines, les cotations françaises des JB ont gagné entre 12 et 28 centimes selon la conformation. Celle du JB U a atteint 5,26 €/kg de carcasse en semaine 19 (+32% /2021 et +37% /2020). Elle reste devancée largement par la cotation allemande à 5,51€ ! Le JB R français cotait 5,13 €/kg en semaine 19 (+35% /2021 et +40% /2020) et le JB O 4,87 €/kg (+45% /2021 et +52% /2020).
Les vaches laitières, très demandées et peu nombreuses, affichent les plus fortes hausses de prix
La hausse continue du prix du lait, alors que les vaches sont au pâturage et qu’il n’est pas question de distribuer de l’aliment à prix d’or, pousse les éleveurs laitiers à ralentir les réformes. Sur les semaines 15 à 19, les abattages de vaches laitières étaient en baisse de -11% /2021 d’après l’indicateur hebdomadaire de Normabev. A cette baisse s’ajoute celle des poids de carcasse (-1,4% /2021 en moyenne), en raison du coût élevé de l’aliment et d’une demande tellement forte qu’elle presse les sorties avant une finition optimale. Face à cette offre restreinte, la demande pour la viande hachée reste forte, ce qui tire les prix des réformes laitières à la hausse. La cotation de la vache O a gagné 28 centimes sur les 4 dernières semaines pour bondir à 4,88 €/kg de carcasse en semaine 19 (+50% /2021 et +63% /2020). Celle de la vache P a gagné 30 centimes à 4,79 €/kg (+59% /2021 et +73% /2020).
Les prix des vaches allaitantes également en hausse
La cotation de la vache U a gagné 14 centimes sur les 4 dernières semaines pour atteindre 5,48 €/kg de carcasse (+16% /2021 et +25% /2020), dépassant même son pic de Pâques. Celle de la vache R a gagné 16 centimes à 5,18 €/kg (+26% /2021 et +39% /2020).
Le cheptel allaitant poursuit son recul et le dynamisme actuel des abattages fait craindre une nouvelle accélération de la décapitalisation. Au 1er avril, le cheptel de vaches allaitantes était en baisse de -2,9% /2021. Les abattages de vaches de type viande sur les semaines 15 à 19 étaient en hausse de +1% /2021, et ceux de génisses étaient stables. Comme pour les vaches laitières, le poids moyen des vaches de type viande était en baisse (-0,7% /2021) mais celui des génisses étaient en légère hausse (+0,4%).
Les prix des muscles importés restent très élevés
Les prix élevés sur le marché européen, alors que le secteur de la restauration en France a repris quelques couleurs, ont conduit à une forte hausse du prix des muscles origine UE sur le marché de Rungis. Après avoir atteint des sommets pour la saison, les prix se détendent toutefois quelque peu.
Le 13 mai, la bavette d’aloyau semi-parée origine UE était à 9,75 €/kg (+35% /2021 et +54% /2020), le faux filet à 10,80 €/kg (+26% /2021 et +52% /2020), l’entrecôte à 14,75 €/kg (+25% /2021 et +74% /2020) et le filet à 22,75 €/kg (+79% /2021 et +121% /2020). Notons toutefois qu’en 2020, les pièces nobles importées avaient vu leur prix chuter en raison du confinement et de la fermeture stricte de la restauration. Les prix étaient repartis à la hausse selon les pièces entre mi-mai et mi-juin.